Neydens – Eglise Saint-Laurent

Entre le Salève et le bassin genevois, la commune de Neydens a su garder l’aspect d’un bourg paisible, loin de l’agitation citadine de certaines communes alentours. Il faut pourtant signaler que ce qui ne fut jadis qu’une petite paroisse parmi tant d’autres est habitée par 2’500 âmes, soit cinq fois plus qu’avant les années 1960. Le site internet de la commune de Neydens compare son village à une « mosaïque », et à juste titre ! Il suffit de prendre de la hauteur pour comprendre la raison de ce mot : des coins de verdure, quelques hameaux, un bourg principal et une zone d’activités avec en tête le centre Vitam et pour les plus nostalgiques le Macumba, aujourd’hui présent dans les souvenirs de nombreux haut savoyards. Si nous plongeons dans le passé, nous comprenons que Neydens est né il y a 2’000 ans, sinon bien plus tôt, de par sa position à l’ombre du Salève. La Via Romana, reliant Annecy à Genève par le Mont Sion traversait le bourg de la commune.

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La paroisse de Neydens est placée sous le vocable de saint Laurent, diacre du pape Sixte II au IIIème siècle et mort en martyr brûlé vif sur un gril. Il figure d’ailleurs en bonne place sur l’un des vitraux du chœur de l’église. Si le lieu de culte actuel date de la fin du XIXème siècle, d’autres monuments l’ont précédés, et pas forcément de la même confession. Tout d’abord, mentionnons que les chartreux de Pomier, installés près de Neydens dès le XIème siècle desservaient une chapelle à l’emplacement d’un temple romain bâti lui-même sur les fondations d’un lieu de culte païen. Ils contribueront certainement à l’édification d’une église romane dès leur installation, église malheureusement détruite en 1891. Sous le joug des évêques de Genève, la paroisse de Neydens tomba sous la domination protestante en 1536, lorsque la religion protestante devient la religion officielle de la ville de Genève et que l’évêque est chassé de sa cathédrale. L’église romane deviendra donc un temple placé sous la responsabilité d’un pasteur. Cette situation durera jusqu’en 1754 et la signature du traité de Turin qui a permis de définir une vraie frontière entre le royaume de Savoie et Genève. La Révolution n’aura pas épargnée la valeureuse église Saint-Laurent (redevenue catholique et reprenant son vocable primitif). Cet édifice servira encore un siècle, avant de menacer ruine en 1889. Il faut dire qu’après huit siècles, dont certains tourmentés, l’édifice avait vécu. Peut-être qu’aujourd’hui, on aurait préféré le restaurer, mais à l’époque, il a été choisi de le démolir et d’en construire un nouveau. Les plans sont confiés à l’architecte Fontaine d’Annecy et la construction coûtera 30’000 francs. Le bulbe du clocheton, installé sur le chœur, est donc remplacé par une flèche couronnant une tour dressée dans l’angle entre le chœur et une des chapelles latérales de l’édifice. Il fallait que la flèche se voie de Genève, qui contrôlait jadis la paroisse. L’évêque d’Annecy consacrera le monument le 9 octobre 1892 entouré de nombreux prêtres au cours d’une cérémonie emprunte de solennité. Dans cet édifice néogothique, la décoration fut épurée au milieu du XXème siècle. Le concile Vatican II tenu à Rome en 1963-1965 demanda -entre autres- une plus grande simplicité dans la décoration des églises et que le prêtre soit dorénavant face au fidèle. Les retables, stalles et de nombreuses statues furent alors remisés, sinon détruits. Dorment encore dans le clocher certains protecteurs du passé qui pourraient -on l’espère- ressurgir un jour où l’autre dans cette charmante petite église.

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Le 12 mai 1805, le recteur d’Archamps se rend à Neydens. Son rôle ? Présider la bénédiction d’une cloche fondue l’année précédente par Jean-Baptiste Pitton, maître fondeur de Carouge. Cette petite cloche de 280 kilos n’arborait que les noms de ses parrains et marraines, en plus de la signature et du nom de la paroisse, orthographié « Neidens ». En 1888, cette cloche était encore bien seule dans son petit clocheton, elle qui s’apprêtait à rejoindre un nouveau perchoir en 1892. Mais en 1899 déjà, elle était fêlée. Le curé de la paroisse passe alors commande aux frères Paccard d’Annecy-le-Vieux de deux cloches. Pour que la paroisse puisse correctement attendre ces deux nouvelles dames d’airain, la fonderie propose de remplacer la cloche Pitton par une autre cloche qui sera prochainement cassée. D’un poids de 475 kilos, elle provenait de l’église Saint-Maurice de Pringy qui avait fait remplacer sa sonnerie en 1897.  Les archives paroissiales nous indiquent que la grosse cloche a été financée par ses parrains et marraines et la petite par une souscription paroissiale. Les inscriptions font d’ailleurs mention des principaux donateurs de cette quête. Fièrement nommées « Félicie Marie Antoinette Françoise » pour la plus grosse et « Joséphine Etiennette Laurence » pour la seconde, elles arborent des effigies en lien avec leurs noms : le Christ, l’Immaculée Conception, saints Antoine et Félix pour la première et les saints Laurent, Joseph, François de Sales et le Sacré Cœur de Jésus pour la petite cloche. Le privilégié qui pourra gravir ce clocher aura plaisir à découvrir deux cloches finement décorées dans un univers tout de bois. Le beffroi qui soutient ces deux cloches intrigue d’ailleurs : il n’a pas été conçu sur un seul niveau comme les Paccard réalisaient à l’époque leur beffroi pour une telle sonnerie, mais il est sur deux niveaux ! Le deuxième niveau accueille aujourd’hui le plancher séparant la chambre des cloches de la flèche. Mais au-dessus de la petite cloche, des traces de cambouis interpellent : elles se trouvent autour d’encoches qui ont très certainement accueillis les paliers d’une cloche. Est ce que le beffroi a été conçu en 1899 et la cloche de Pringy y avait trouvé refuge, afin de laisser les emplacements pour installer facilement les deux cloches de 1900 ? Nul ne sait.

Nom

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Félicie Marie Antoinette Françoise

119,2

1’030

Mi 3

2

Joséphine Etiennette Laurence

94,9

535

Sol 3

Georges & Francisque Paccard fondeurs à Annecy-le-Vieux Hte Savoie 1900

 

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Mes remerciements vont à : 
Madame Marie-Françoise Vandenbosch pour l’accès au clocher, les sonneries spéciales et les fournitures d’archives.
Monsieur Michel Brand pour l’organisation du rendez-vous.

Sources & Liens :
Mairie de Neydens
Paroisse Saints-Pierre-et-Paul en Genevois
Clichés personnels
Fonds privés
Archives paroissiales

Viry – Eglise Saint-Maurice

Au cœur du genevois, la commune de Viry parlera à beaucoup de visiteurs venus d’ailleurs : son péage est l’une des portes d’entrées pour les stations de sports d’hiver depuis le nord de la France. Bien que traversée par l’autoroute, c’est avant tout encore aujourd’hui une commune essentiellement rurale située à un jet de pierres de la ville de Genève. Viry résulte de la fusion de cinq paroisses en 1600 : Saint-Maurice (Viry), Saint-Jean-Baptiste (Malagny), Saint-Martin (Essertet), Saint-Eusèbe (Humilly) et Saint-Clair (l’Eluiset). Ces patronages montrent bien qu’elles étaient toutes anciennes, pour ne pas dire antiques ! Si aujourd’hui, l’ancien territoire de l’Eluiset se fond dans le chef-lieu de Viry, les autres hameaux sont encore très bien identifiables en prenant un peu de hauteur. Les bourgs de Malagny et d’Humilly conservent encore des reliques de leur indépendance religieuse avec un cimetière pour chacun, et même une chapelle pour le dernier. Daté du XIIIe siècle, ce lieu de culte est sans aucun doute l’ancienne église de cette paroisse. Plus proche de nous, Viry a aussi été réputée un temps pour ses meetings aériens organisés par la société de l’aérodrome de Viry (1910, 1911 et 1935). 

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L’église Saint-Maurice de Viry a été consacrée le 29 avril 1845 par l’évêque d’Annecy, Mgr Louis Rendu. Deux ans auparavant, l’ancienne église paroissiale dépeinte par son curé comme « difforme » fut démolie. Certaines pierres de la tour et des contreforts sont néanmoins réemployées pour construire le nouveau lieu de culte et d’autres pierres ont été prélevées dans les carrières du Salève. La première fut posée en juin 1843 et les travaux furent confiés à l’entreprise Eugène Buttin qui travailla d’après les plans de Valentin Guyon. Sur les 72’000 livres qu’ont coûtés les travaux, le tiers provenait de dons et de legs. Depuis la place, le monument peut impressionner. Il faut en effet rappeler qu’il doit accueillir cinq anciennes paroisses en un seul endroit ! L’intérieur de l’église, décoré par le peintre Jean-Pierre Ferraris, mérite le détour. Dans le chœur une magnifique fresque représente le saint patron de l’église Maurice, accompagné de sa légion thébaine. Le soldat sur son cheval tient dans sa main comme étendard la croix tréflée, aujourd’hui blason de l’abbaye qui conserve ses reliques. A l’opposé, un vitrail représente un autre saint majeur pour la région : François de Sales, évêque de Genève au XVIIe siècle. Il serait cependant réducteur de s’arrêter à ces deux seules représentations : le visiteur pourra aussi y découvrir de nombreux vitraux, deux fresques représentant la Cène et la Pentecôte dans le chœur et de nombreuses décorations en trompe œil qui ont été redessinés en 1897 grâce au don de la famille Gondrand. Tout cette décoration néoclassique de l’ensemble a été restaurée avec soin en 2002 à l’identique.

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Le clocher de l’église Saint-Maurice impressionne certains et intrigue d’autres. Parfois les mêmes. Il faut déjà reconnaître que sa hauteur dénote avec les autres clochers du genevois. Son couronnement est aussi unique –ou presque– en Haute-Savoie : il est coiffé d’un toit terrasse alors que les autres clochers de la région sont garnis d’une flèche, d’un bulbe ou bien d’un lanterneau. Si le clocher, comme tout carré, possède évidemment quatre faces, il ne compte que trois horloges : à l’est, au sud et à l’ouest. Mais pas au nord, pourtant occupé par les hameaux d’Humilly, Malagny et Veigy. La non installation d’une horloge dans leur direction donne lieu à de nombreuses hypothèses sur des querelles internes. Il faut quand même préciser que juste après le rattachement de la Savoie à la France, ces hameaux ont souhaité former une commune indépendante ! Cette demande ne fut jamais reçue. Peut-on alors présager d’une « vengeance » du bourg ? Les baies géminées du clocher dissimulent trois cloches, audibles par toute la paroisse. La cloche médiane est la plus ancienne car elle porte le millésime 1828. Elle fut réalisée par le fondeur carougeois Jean-Baptiste Pitton en collaboration avec son successeur François Bulliod qui co-signa l’objet sacré. Les deux autres cloches portent toutes les deux la date de 1859 et ont été fondues dans les nouveaux ateliers anciléviens des frères Paccard. Les inscriptions de ces dames de bronze ne mentionnent pas de prénom mais quelques informations historiques. La grande cloche indique qu’elle fut « refondue et augmentée […] par souscription volontaire » juste après l’inscription religieuse (en latin) : « Je loue Dieu, j’appelle le peuple, je rassemble le clergé, je pleure les morts, je fais fuir les nuages, j’embellis les fêtes ». La seconde cloche arbore quant à elle l’ensemble du conseil municipal de Viry en 1828. Elle aussi, porte une maxime religieuse. Il s’agit du psaume 150 (en latin) : « Louez [le Seigneur] par les cymbales sonores, louez-le par les cymbales triomphantes ». On notera d’ailleurs que la cloche fait référence au psaume 170… qui n’existe pas (il n’y en a que 150) ! La dernière cloche, elle, est un don du curé, le révérend Louis Naz. Sa maxime est (en latin) « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ». Cela laisse donc entendre qu’en 1859, on passe de deux à trois cloches pour cette grande église Saint-Maurice.

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Frères Paccard

1859

115,8

~900

Fa 3

2

Jean-Baptiste Pitton et François Bulliod

1828

93,5

~475

Sol 3

3

Frères Paccard

1859

75

~250

Do 4

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J’adresse mes remerciements nourris à Mme Anne-Marie Placentini, sacristine, pour l’ouverture du clocher et l’autorisation de sonnerie spéciale ainsi que M. Michel Brand, historien local, pour l’organisation du rendez-vous et l’accompagnement au clocher.

Sources & Liens :

La Salévienne
Paroisse Saints-Pierre-et-Paul en Genevois
Viry sur Wikipédia
Relevés personnel
Clichés personnel
Fonds privés

Saint-Jean-de-Maurienne – Cathédrale Saint-Jean-Baptiste

La Maurienne correspond à l’une des six provinces dites « historiques » de la Savoie. Vallée de 125 kilomètres de long, creusée par la rivière Arc qui, de Bonneval-sur-Arc, rejoint la rivière Isère dans la Combe de Savoie. C’est un véritable trait d’union entre la France et l’Italie grâce au tunnel du Fréjus, permettant de rejoindre assez rapidement la ville de Turin. Outre cet ouvrage construit pour faciliter le passage, le col du Mont-Cenis est le franchissement naturel de la frontière entre les deux pays. Lorsque Turin était la capitale des Etats de Savoie, la Maurienne devenait donc un axe très stratégique. Si je m’attarde sur la Maurienne et non Saint-Jean-de-Maurienne, c’est parce que l’histoire de la vallée, c’est aussi en quelque sorte l’histoire de la cité. Cette vallée est un évêché à lui tout seul depuis des temps anciens avec son siège à saint Jean ! Saint-Jean-de-Maurienne est aujourd’hui une ville de 7’500 habitants, l’une des sous-préfectures de la Savoie (73). Installée au bord de la rivière dont elle en a parfois subi les colères, elle accueille aujourd’hui de nombreuses industries qui y prospèrent, et plus largement toute la vallée a subi le même sort. 

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Nous retrouvons les origines du diocèse de Maurienne aux prémices de la chrétienté. Il est alors raconté que sainte Thècle, vénérée par exemple à Valloire, aurait rapportée sur place des reliques de saint Jean-Baptiste : ses « doigts qui ont touché le Seigneur dans le Jourdain ». A cette même période, la vallée qui était sous la juridiction de l’évêque de Turin devient un propre diocèse, malgré l’opposition marquée par le pape Grégoire 1er. Fort de ses reliques, le petit diocèse prit rapidement une certaine ampleur, si bien que l’évêque possédait même un pouvoir temporel dans son diocèse ! Toutefois, cette influence fut atténuée lors des grands siècles de la Maison de Savoie qui, par la force, a réussi à prendre possession de cette vallée hautement stratégique pour eux, entre Chambéry et Turin. A la Révolution, le diocèse est supprimé au profit d’un évêché dit de « Chambéry et Genève » avec un seul évêque pour les deux actuels départements savoyards. Il fallut attendre les années 1820 pour que ce grand diocèse soit démembré par étape : Annecy en 1822 puis la Maurienne et la Tarentaise en 1825. L’évêché de Chambéry était quant à lui devenu archiépiscopal en 1817, lui donnant une préséance sur les autres diocèses savoyards. En 1966, le pape lie les trois diocèses de l’actuel département savoyard « aequer principaliter », rendant cette situation unique en France : l’archevêque de Chambéry est aussi coiffé des titres d’évêque de Maurienne et d’évêque de Tarentaise. Chaque diocèse a son propre clergé et ses propres instances même s’ils fonctionnent le plus collégialement possible. La cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne n’est donc pas une cathédrale à titre honorifique ni une co-cathédrale mais demeure pleinement le siège de l’évêque de Maurienne.

Qui dit diocèse dit cathédrale, siège de celui-ci. Les premiers siècles de son existence sont malheureusement imprécis, en raison des nombreuses incursions qu’on subi la région durant les premiers siècles de la chrétienté. Ce n’est qu’à l’aube du deuxième millénaire après Jésus Christ qu’on peut commencer à établir une chronologie précise de l’édifice. A la naissance de la maison de Savoie, la reconstruction de la cathédrale est liée à Humbert aux Blanches Mains dont le cénotaphe est visible dans le péristyle du monument. Des écrits laissent entendre qu’à la même époque (au XIème siècle) la cathédrale et l’église Notre-Dame sont restaurées ou reconstruites entre 1040 et 1070. Nous pouvons en tout cas attester que la charpente de l’église date de 1075/1076, faisant de celle-ci l’une des plus veilles de France. La cathédrale romane se présentait par une église de type basilicale, c’est à dire trois nefs. Les deux latérales se terminaient chacune par une chapelle dédiée à saint Pierre pour l’une et sainte Thècle pour l’autre. Pendant l’hiver 1439/1440, une crue du Bonrieu dévaste saint Jean et n’épargne pas la cathédrale qui doit être reconstruite. La rivière sera endiguée pour éviter une seconde catastrophe. La seconde moitié du XVe siècle sera synonyme de nombreux changements dans l’édifice : un cloître, des voûtes, un nouveau chœur et des stalles gothiques seront édifiés et installés sous l’impulsion des différents évêques en poste. Ces éléments nous sont parvenus et font encore la fierté de l’édifice religieux. Des chapelles ont été adjointes à l’édifice entre le XVIe et le XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, une nouvelle sacristie est bâtie à l’emplacement de la chapelle Saint-Pierre et un porche est commandé par le roi Charles-Emmanuel III de Savoie. Le XIXe siècle apportera ensuite ses modifications à la cathédrale : l’église Notre-Dame ayant été endommagée par la chute du clocher à la Révolution et l’église Saint-Christophe ayant brûlée à la même période, la cathédrale devient la seule église paroissiale de la ville. Pour l’agrandir, le jubé est démonté et les stalles déplacées. Des nouveaux vitraux sont aussi commandés. Le XXe siècle permet de redécouvrir la crypte de la cathédrale, abritant des éléments allant du VIIe au XIVe siècles. Elle a été comblée au siècle suivant mais elle fut déblayée et son accès rétabli. 

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Le grand clocher de Saint-Jean-de-Maurienne impose par sa silhouette et ses grandes dimensions. Il faut s’avoir qu’en réalité, il s’agissait d’abord du clocher de l’église Notre-Dame, voisine de la cathédrale. Cette énorme tour était ornée d’une flèche entre le XVe siècle et la Révolution, faisant de lui une tour de près de 80 mètres ! Lorsqu’elle fut rasée, cette flèche tomba sur l’église et endommagea la nef. L’édifice religieux fut donc raboté et la rue qui les sépare fut donc créée. Ce clocher a abrité, au cours de son âge d’or, une sonnerie de plus de 10 cloches ! Le 10 mai 1326, la Confrérie du Saint-Esprit demande aux chanoines l’usage d’une cloche pour annoncer leurs assemblées. Cette demande leur a été accordée. Les archives du chapitre de Verceil (Italie) abritent un document qui intéresse l’histoire campanaire de Saint-Jean-de-Maurienne : en 1475, Amédée Gavit, vicaire du cardinal d’Estouteville alors évêque de Maurienne, charge Claude Milon de Genève et Claude Vionnet de Sallanches (Faucigny) de fondre des nouvelles cloches pour la cathédrale. Malheureusement, pas assez d’éléments nous permettent de bien apprécier les travaux qui s’y sont passés. Un autre écrit retrouvé dans les archives paroissiales de Saint-Pancrace donne avec précision la fonte de nouvelles cloches durant l’été 1667. Le chanoine Nicolas Féjoz raconte ce qui suit :
• Le 23 juillet a été descendue la grosse cloche, et le 26 juillet la seconde cloche. Les deux ont été refondues le 30 juillet : la grosse cloche sous le vocable de tous les Saints et la seconde en l’honneur de Saint-Jean-Baptiste.
• Le 3 août, un prix fait a été passé pour refondre la quatrième et la cinquième cloche.
• Le 8 août, l’évêque a béni les deux grosses cloches et une autre cloche, aussi dédiée à tous les Saints. Nous ne savons pas quel rang cette dernière occupait dans la sonnerie…
• Le 7 septembre, l’évêque a béni quatre nouvelles cloches : la quatrième, la cinquième, la sixième et la neuvième cloche dans l’ordre de la pesanteur.
En 1712, le chanoine Cueillerat paye 200 florins à Georges Arnaud, fondeur de Saint-Jean-de-Maurienne pour la fonte d’une cloche pour l’église Notre-Dame.
Les prochains écrits datent ensuite de la période révolutionnaire : les cloches ont été descendues les 12 et 13 décembre 1793. Lors de cette opération, la troisième cloche dite « la None » sans doute parce qu’elle était particulièrement utilisée par le chapitre pour cet office, a été brisée . Le 21 décembre, il est décrété que les quatre plus grosses cloches seront pesées à Chambéry car elles ne peuvent l’être à Saint-Jean-de-Maurienne1. Le lendemain, le procureur syndic d’Arc indique au procureur général syndic de l’envoi de 24 cloches à Chambéry dont : 9 cloches du Chapitre, 4 de Saint-Christophe, 2 des Bernardines, 1 des Capucins, 1 des Pénitents, 1 de Saint-Antoine, 1 de la Miséricorde, 1 de Bonne-Nouvelle, 1 de Notre-Dame et 1 du Collège.
Ce qui ferait au total, 10 cloches pour la tour du Grand Clocher de la Cathédrale et de Notre-Dame. Plusieurs écrits indiquaient que la sonnerie de la cathédrale se composait de 11 cloches. Avec l’obligation de laisser une cloche par clocher pour sonner tocsins et assemblées civiles , le recoupement d’information donne donc une certaine logique. Des archives privées donnent une variante aux informations ci-dessus dans un écrit de l’abbé Guiguet, vicaire à la cathédrale entre 1853 et 1858. Il raconte « de témoins contemporains et oculaires » que la sonnerie de la cathédrale était composée, au 2 décembre 1793 « de neuf cloches ; trois formaient, comme aujourd’hui, la sonnerie de l’horloge, mais elles étaient disposées de manière à servir en même temps pour le carillon. Elles furent conservées, ainsi que l’horloge ». Au Concordat, les trois cloches de l’horloge et son mouvement semblent donc avoir été réinstallées, ce qui veut dire qu’elles n’ont pas été envoyées à Chambéry en 1793.
Au XIXème siècle, la sonnerie cultuelle de la cathédrale est donc partiellement reconstituée. En 1812, une cloche dite « des Pénitents » est fondue à Briançon, probablement par les dynasties Vallier et Gautier, fondeurs en activité dans cette ville et qui ont par ailleurs largement contribué à la repopulation des clochers savoyards à cette période. En 1828, la grosse cloche se fend et une nouvelle est aussitôt commandée par le Chapitre. Cette cloche a coûté 1994,6 livres à raison de 36 livres le quintal, poids de Saint-Jean-de-Maurienne, somme fixée le 17 septembre 1828. Le règlement a été effectué aux fondeurs Jean-François Gautier et François Vallier le 14 septembre 1829 après une garantie d’un an de la cloche. Les années 1864 et 1865 verront l’arrivée de deux cloches au clocher : d’abord la troisième par les frères Beauquis puis la seconde par les frères Paccard. Aucune archive n’a été retrouvée pour aider à contextualiser ces achats. De nombreuses questions restent ouvertes, notamment celle d’une refonte ou d’un ajout mais aussi de la réalisation de ces deux cloches (à un an d’intervalle !) par ces deux fondeurs en concurrence ! A la fin de l’année 1873, la petite cloche des Pénitents se fêle. Une nouvelle cloche est commandée aux frères Paccard. Un devis est soumis au chapitre avec la reprise de l’ancienne cloche, pesée 174 kilos. Une nouvelle cloche de 228 kilos sera donc installée en lieu et place. En 1935, les cloches de volée du Grand Clocher ont été électrifiées. On a d’abord commencé par les trois grosses, considérant que « la petite cloche ne se prête pas à cette transformation ». La commune prend à sa charge l’enterrement des fils électriques entre la sacristie et le Grand Clocher et le diocèse finance l’électrification proprement dite. C’est probablement à ce moment-là qu’est rendue muette la « Cloche du Chapitre » installée dans le fin clocher attenant à la cathédrale. Son accès est malheureusement impossible aujourd’hui, mais sa réhabilitation est à l’étude. On espère pouvoir l’atteindre un jour pour percer à jour ses secrets et lui redonner un usage liturgique ! Si le chapitre de la cathédrale est aujourd’hui en sommeil, de nouvelles pratiques apparaissent dans la cathédrale. Une « garde d’honneur » s’est formée autour des reliques que la cathédrale abrite. Elle propose notamment des vénérations publiques ou privées et participe aux grandes heures liturgique de la cathédrale, église mère du diocèse.

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Si je n’ai que très peu abordé les cloches de volée de la cathédrale, c’est qu’un second ensemble campanaire mérite le détour. Car oui, ce clocher abrite encore trois cloches pour l’usage strictement civil ! Il s’avère que la plus récente d’entre elles date de 1745 ! Et la plus ancienne n’est malheureusement pas datée mais compte parmi les plus anciennes cloches du département. La cloche des heures porte la date de 1451. Son fondeur n’est pas identifié mais elle ne porte que pour inscriptions le début de l’Ave Maria et la date en chiffres romains. Les deux plus petites cloches sonnent les quarts. La première, de taille médiane, est signée est datée : Barthélémy Arnaud, 1745. Ce fondeur était établi dans cette ville qui a connu pendant près d’un siècle (d’environ 1650 à 1750) une dynastie : la famille Arnaud, originaire de Termignon (Maurienne).  Elle ne possède aucune autre inscription mais quelques effigies, notamment quelques angelots, un Christ et une Vierge. La plus petite cloche est la plus mystérieuse : elle porte une inscription gotique traduite « cloche des messes à dire à l’église Saint-Jean-Baptiste de Maurienne ». Non signée et non datée, cette cloche est l’objet de toutes les spéculations. En effet, des cloches similaires existent (mais se comptent sur les doigts d’une main) en Pays de Savoie et sont généralement datées du XIVe siècle, voire début du XVe siècle au plus tard avant de laisser la place aux cloches gothiques (cette fois avec un h). Un cloche non loin, située au Châtel, présente les mêmes caractéristiques. Autrefois datée de l’an mille (d’où lui vient son surnom) elle est en fait du XIVe siècle et possède de nombreux points commun avec la cloche de Saint-Jean. De plus, ses inscriptions montrent un fonctionnement particulier : « cloche des messes à dire » sa petite taille peut laisser entendre que les chanoines l’utilisaient pour annoncer le début d’une messe célébrée ici où là dans la cathédrale, ou pour convoquer le chapitre à un office. Toujours est-il que cet ensemble campanaire parallèle -aujourd’hui strictement civil- est de haut vol : trois cloches prérévolutionnaires qui, à ce jour, ne bénéficie d’aucune inscription aux monuments historiques ! Il est presque évident que sa survie est dû à son usage profane : sonner les heures et autrefois convoquer les assemblées ou encore pour sonner le tocsin. 

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

« le Bourdon »

Vallier & Gautier

1828

137,2

~1’650

Ré ♯ 3

2

Sainte Marie et Saint Joseph

Frères Paccard

1865

110,1

~800

Fa ♯ 3

3

Sacré Cœur de Jésus

Beauquis frères

1864

86,5

~380

La ♯ 3

4

« Cloche des Pénitents »

Frères Paccard

1874

71,2

228

Do 4

I

« Cloche des heures »

inconnu

1451

86,5

~450

La 3

II

Barthélémy Arnaud

1745

41,7

~45

La 4

III

inconnu

XIVe ou XVe siècle

30,3

~20

Sol 5

NB : La « cloche du Chapitre » ne figure pas dans cette liste. Située dans le clocher de la cathédrale, elle n’est pour l’heure pas accessible et aucune archive nous donne des indications sur ses dimensions, date et fondeur.

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Mes remerciements chaleureux et nourris à :
La municipalité de Saint-Jean-de-Maurienne, son maire Philippe Rollet et son adjointe Josiane Vigier pour l’accès exceptionnel au Grand Clocher, dont la commune est propriétaire.
Les diocèses de Savoie et plus particulièrement le diocèse de Maurienne, son chancelier Yvan Caporizzo, membre de la Garde d’Honneur des reliques de Saint-Jean, pour l’accompagnement dans la cathédrale et les recherches historiques autour des archives du chapitre et du diocèse.
La paroisse de Saint-Jean-de-Maurienne  et plus particulièrement l’abbé André Minh Tam Ngo, recteur de la cathédrale, pour l’autorisation des sonneries spéciales hors calendrier liturgique.
Mes amis Loris Rabier « Les Cloches Mauriennaises« , Claude-Michaël Mevs « Quasimodo Sonneur de cloches » et Victor Fraysse pour l’aide apportée à la réalisation de ce reportage.
Romeo Dell’Era, diplômé d’un Master ès Lettres en Sciences de l’Antiquité (Université de Lausanne) et membre de la Guilde des Carillonneurs et Campanologues Suisses, pour l’aide apportée autour de la cloche du XIVe siècle.

Sources & liens :
Mairie de Saint-Jean-de-Maurienne
Diocèses de Savoie
Archives du diocèse de Maurienne et du chapitre de la cathédrale
Société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne
Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Savoie
Travaux de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Maurienne
Le Dauphiné Libéré

Megève – Eglise Saint Jean-Baptiste

Le nom de Megève est sur beaucoup de langues : une station huppée pour les sports d’hiver, la neige à Noël, les forêts savoyardes… chacun y verra au moins l’une de ces expressions dans ces six lettres. Megève a possédé et possède encore de multiples facettes. Comme beaucoup de communes de la région, son passé est essentiellement agricole. Les cartes postales anciennes nous présentent une commune vide d’habitations avec des champs à perte de vue ! Megève a aussi été une place forte pour la religion en Pays de Savoie : on la considérait comme la « Jérusalem savoyarde », excusez du peu ! Dotée d’une grande piété, la paroisse de Megève et ses curés hauts en couleurs ont permis à une chapelle au dessus du bourg de recevoir pendant plusieurs années les faveurs du Pape : quiconque s’y rendait avec de saintes intentions pouvait y recevoir l’indulgence de la Portioncule, dit-on pour faciliter l’accès au Paradis ! Pour en arriver là, l’abbé Ambroise Martin, curé de Megève en 1820 à 1863 a entrepris la réalisation d’un véritable Calvaire : 15 oratoires et chapelles qui rappellent le chemin de croix du Christ au Vendredi Saint. Cet élément du patrimoine mégevan existe encore et les chapelles témoignent de cette foi immense. Au siècle suivant, la famille de Rothschild plantent leurs bâtons à Megève et initient la station de ski au sortir de la Première Guerre Mondiale. Un siècle plus tard, cette même station se trouve faire partie d’un domaine skiable qui offre l’un des plus beaux panoramas : le massif du Mont-Blanc !

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L’église Saint-Jean-Baptiste se dresse sur la place centrale du village. Sa particularité : elle appartient à deux communes ! Comment est-ce possible ? Au XVIIIème siècle, la commune de Demi-Quartier est érigée mais continue de dépendre de Megève au spirituel. Depuis sa création, elle dispose d’un cinquième de l’église et participe donc, à cette hauteur, à son entretien ! Notons que Demi-Quartier ne possédait pas jusqu’à il y a peu de mairie : cette dernière se trouvait sur la place principale de Megève ! Mais le tir vient d’être corrigé avec une nouvelle mairie sur son territoire. Revenons à l’église Saint-Jean-Baptiste. On raconte qu’elle a été fondée par des moines de Saint-Michel de la Cluse (actuelle Italie) au XIIème siècle. En 1202, Guillaume de Faucigny jure dans cette église sur l’Evangile de prendre sous son aile un autre prieuré, celui de Chamonix. L’église de Megève ne témoigne malheureusement aucunement de cette époque : le chœur daterait du XVème siècle (avec une petite marge d’erreur sur les siècles précédent et suivant) alors que la nef et le clocher datent du XVIIème siècle et l’avant nef date de 1870. Le sommet du clocher, quant à lui, a été reconstruit plusieurs fois au gré des incendies et des guerres, la dernière édification datant de 1809. Comme presque toutes les églises du diocèse, elle sera visitée par le futur saint François de Sales alors évêque de Genève en 1606. Entre 1687 et 1682, l’église est reconstruite car trop exiguë pour les paroissiens. Durement touchée après l’incendie du clocher en 1728, le monument est reconstruit grâce à la piété des habitants émigrés à Vienne. L’église est durement touchée par la Révolution qui la dépouille de son carillon et d’une grande partie de son mobilier. Heureusement, quelques pièces ont pu être cachées. L’église servira de dépôt avant d’être rendue au culte le 28 décembre 1799. Au XIXème siècle, les abbés Pissard et Martin, curés successifs, auront à cœur de redonner à l’église sa splendeur d’antan. En 1842, le nouvel orgue des frères Callinet est solennellement béni le jour de la Saint Jean. Depuis quelques années, l’église subit une attention toute particulière : la toiture a été presque intégralement reprise ainsi que les façades, de même que le clocher. Actuellement c’est au tour de l’intérieur de l’édifice de subir une cure de jouvence ! Viendra ensuite, peut-être, l’orgue et les cloches. De quoi inscrire cette église dans le nouveau millénaire ouvert voilà presque 25 ans !

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Le passé campanaire de Megève est assez mal connu. Nous savons simplement qu’en 1578, une horloge avec une aiguille est installée sur la face nord du clocher : on peut supposer que des cloches l’accompagnaient pour sonner les heures. Le 5 octobre 1728, le feu prend dans le clocher de l’église et le réduit en cendres. Très vite, grâce au zèle des mégevans, il est reconstruit. Les cloches ne sont pas mentionnées mais nous pouvons librement penser qu’avec un clocher détruit, les cloches n’ont pas été épargnées ! Le 9 novembre 1754, la tour subit de plein fouet un incendie qui détruit une bonne partie du bourg. On raconte que la grosse cloche, léchée par les flammes, est tombée jusqu’en bas du clocher sur un tas de charbon utilisé pour la sacristie. Le clocher restera plusieurs années sans les élégants dômes qui le couronnaient avant une reconstruction en 1768 seulement ! Cependant, en 1757 déjà, une nouvelle horloge à deux aiguilles est installée sur la face nord. Il est très probable que dans cette même période, une nouvelle sonnerie est réalisée pour l’église. Le timbre civil situé dans le dôme sommital porte d’ailleurs la date de 1756.

En 1783, deux des cloches sont fêlées. Il est alors décidé de refondre totalement la sonnerie. Les fondeurs Antoine et Joseph Livremont, natifs de Pontarlier et maîtres fondeurs, sont sollicités pour la fonte de six cloches : cinq cloches « en harmonie de ton » et une plus grande « en tierce avec la seconde ». L’objectif est de former un carillon. Ces cloches seront réalisées le 30 octobre 1783 : d’abord la plus grande, puis les cinq petites. Au démoulage, les petites cloches donnent satisfaction mais la plus grande présente quelques défauts. Il est donc décidé de reporter sa fonte à l’année prochaine. Le poids de ces six cloches est donné dans les archives municipales : 4150, 2247, 1604, 1168, 900 et 634 livres. Le payement de cette réalisation s’étirera sur quelques années, en témoignent la correspondance entre les fondeurs et les municipalités de Megève et Demi-Quartier. On raconte alors que le carillon de Megève est le plus beau des Alpes !

Une décennie plus tard, les cloches de l’église et des chapelles de Megève et Demi-Quartier furent saisies et le clocher fut décapité. Permission était donnée de conserver une seule cloche par commune. Celle de Demi-Quartier étant unie pour le religieux à Megève, cette dernière a aussi revendiqué son droit de conserver une cloche au clocher de l’église. 18 cloches ont été saisies de l’église et des chapelles. Les cloches ont été emmenées à Sallanches avant de rejoindre le dépôt de Bonneville où étaient centralisées toutes les cloches du Faucigny pour être fondues en canon. Bon nombre d’entre elles n’ont jamais été cassées et ont été récupérées par d’autres paroisses que celles d’origines, provoquant un gigantesque jeu des « chaises musicales » encore présent de nos jours. C’est ainsi que Juvigny possède encore aujourd’hui la cloche de la chapelle de la Tonnaz, édifice disparu de Praz-sur-Arly, citée dans les 18 cloches fournies par la paroisse de Megève. Pour conserver deux des cloches de 1783 au clocher, les mégevands avaient dû céder le timbre de 1756. Mais en 1795, le district de Cluses autorise Megève à le reprendre. Pour se faire, les élus missionnent Michel Socquet-Clerc.

En 1809, le clocher est reconstruit tel que nous le connaissons, même s’il sera bien sûr restauré durant les deux siècles à venir. Dans les années 1820, Claude Paccard, représentant de la seconde génération de la fonderie toujours active en région annécienne, est sollicité pour fondre de nouvelles cloches. Elles seront réalisées le 28 octobre 1825. La plus grosse se fêle très vite et est refondue le 20 août 1829 par le même fondeur. Dans les années 1880, un projet d’ampleur se prépare : les archives paroissiales gardent en mémoire les échanges nourris entre la fonderie Paccard et l’abbé Monnard, curé-archiprêtre de Megève. L’objectif initial du projet était de marquer avec solennité l’année 1886, marquant les 50 ans de l’ordination presbytérale d’un enfant du pays. Né le 28 septembre 1810, Mgr Jean-Marie Tissot a été ordonné prêtre le 24 septembre 1836 pour les Missionnaires de Saint-François-de-Sales. Figurant parmi les premiers prêtres de l’ordre à partir en mission en Inde dès 1845, il sera nommé pro-vicaire apostolique de Visakhapatnam en 1852 puis vicaire en titre en 1863 tout en devenant évêque. En 1886, le vicariat apostolique est érigé en diocèse et il en deviendra le premier évêque jusqu’à sa mort, le 27 septembre 1890, la veille de ses 80 ans.

Plusieurs projets sont alors évoqués même si une idée ne changera pas : réaliser un bourdon honorant Mgr Tissot. Un brouillon non daté fait d’abord état d’une cloche de plus de 3’500 kilos, probablement un la grave. Il inclut la refonte de la troisième cloche pour la donner plus légère (de 1’250 kilos elle ne devait peser plus que 1’000 kilos) et la fonte d’une petite cloche de 240 kilos. Les évènements vont tout de même rattraper le projet car à Rome, le Pape Léon XIII décide de consacrer l’année 1886 à la Vierge Marie et statue que le mois d’octobre sera, pour cette année et celles à venir, le mois du Rosaire. Le 2 janvier 1886 est signé un contrat entre les Paccard et l’abbé Monnard pour la fonte de quatre cloches : un bourdon plus léger (2’850 kilos) et trois petites cloches. Ces quatre cloches seront livrées pour la saint Jean-Baptiste, fête patronale, après un long travail épistolaire pour le curé. Outre les échanges avec les Paccard, toute une souscription s’est mise en place pour le bourdon. La cloche de 240 kilos sera financée par la confrérie du Rosaire, tandis que les deux autres seront prises en charge par plusieurs familles de la paroisse. Le chanoine Poncet, vicaire général du diocèse, se rend même au clocher et fait plusieurs propositions à l’abbé Monnard. Il lui propose d’étendre le carillon avec deux cloches supplémentaires d’une part (portant le nombre de nouvelles cloches à 6), et de refondre les cloches 2 et 3 pour n’en faire qu’une seule intermédiaire. Il ajoute même que ces deux cloches sont fausses et lorsque les nouvelles cloches seront fondues, tout le monde s’en rendra compte ! Cette idée ne fut pas réalisée et les deux cloches concernées sont toujours en place ! Quant aux deux petites cloches… elles ont failli être fondues ! Le chanoine Poncet, très emballé par son idée, transmet ses ordres à Paccard qui était prêt à s’exécuter. Dans une lettre au curé, ils indiquent qu’ils peuvent même faire un prix ! Et en parallèle, sans doute par la voix du vicaire général, l’évêque d’Annecy apprend le projet. Beaucoup moins enthousiaste, il met en garde le curé que par les temps qui courent, engager une dépense aussi colossale peut mettre en péril la paroisse voire le diocèse. Il convient de préciser que nous n’étions pas dans un climat très favorable pour l’Eglise avec des lois laïques votées en nombre et la célèbre loi de 1905 à l’horizon. Sans doute que l’évêque fut contrarié et jaloux, puisque l’abbé Monnard n’a pas demandé au préalable son autorisation, et que le bourdon allait donner la même note que celui de la cathédrale. Cette dernière n’est en plus pourvue que de deux cloches. Et ajoutons que ce bourdon allait honorer un autre évêque vivant à l’autre bout du Monde ! Toujours est-il que le curé répond courtoisement à son évêque que le projet est réfléchi et que la souscription avance à un bon rythme et que les souscripteurs se refusent à donner de l’argent pour un autre projet que le bourdon commémorant le sacerdoce de Mgr Tissot ! Il précise aussi que les petites cloches ont été payées presque en totalité par leurs parrains et marraines en parallèle. Les cloches arriveront à Megève au mois de juin et seront bénites le 2 août par le chanoine Poncet. En même temps que leur bénédiction est installée une plaque commémorative de Mgr Tissot sur la façade de l’église, toujours visible. En 1887, la fonderie Paccard remet sur la table la fonte des deux petites cloches proposées par le chanoine Poncet. Pour déduire la facture, il est proposé de racheter une petite cloche de 50 centimètres de diamètre pesant environ 80 kilos. Son origine est inconnue : provient elle de l’église ou d’une chapelle ? Finalement, cette fonte n’aura pas lieu. En 1890, la fonderie Paccard demande au curé archiprêtre de solliciter Charles Arragon, fondeur de cloches lyonnais, qui prétend électrifier les carillons afin de soutirer des informations. Cette lettre est très intéressante car elle donne un état des lieux du clocher de Megève. MM. Paccard expliquent au curé les propos qu’il doit tenir dans sa demande et l’invitent à donner les poids des cloches (approximatifs) : « Il faudrait lui dire que vous avez des cloches dont la plus grosse pèse près de 3000 K et les autres 2100, 1200, 850, 600, 450, 360, 240, 170, 120, 100 K environ ».  Les trois poids soulignés laissent interrogatifs : ils ne sont identifiés à aucune cloche citée dans les archives (dans l’ordre : 1886, 1829, 1825, 1825, 1783, ?, 1886, 1886, 1886, ?, ?). Mais deux informations sont à considérer : deux cloches ont été sauvées à la Révolution et il n’est jamais fait mention de refonte d’une cloche pour les fontes de 1825 et 1886, si ce n’est la refonte de la seconde cloche dès 1829 après une première coulée malheureuse. La liste donne également le poids de 11 cloches, incluant donc très certainement le timbre civil au sommet du clocher. Cette cloche estimée à 150 kilos est certainement l’une des deux cloches les plus légères. Il y a aussi, dans une précédente lettre que j’évoque, le cas de la petite cloche de 80 kilos qui est promise à la refonte. Etant donné que les poids sont donnés très arrondis (on passe de 2’848 à 3000 kilos pour le bourdon) probablement que cette cloche, si elle était bien à l’église, est celle de 100 kilos (et donc le timbre celle de 120 kilos). Concernant celle de 450 kilos, son origine n’est pas certifiée mais tout laisse à penser qu’il s’agit de la seconde cloche sauvée à la Révolution française. Son poids n’est malheureusement pas connu si ce n’est qu’il faut recouper entre les poids de 1783 (en livres de Chambéry) et les poids des cloches descendues du clocher (en quintal de Genève) :

Poids des cloches de 1783 de l’église de Megève :

En 1783

(en livres de Chambéry ~40g)

Source : procès verbal de fonte

En 1792

(en quintal de Genève ~55kg)

Source : procès verbal à la Révolution

4150 (env. 1650 kg)

25 (env. 1375 kg)

2247 (env. 900 kg)

13 (env. 715 kg)
1604 (env. 650 kg)

1168 (env. 450kg)

900 (env. 360kg) 7 (env. 385 kg)
634 (env. 250 kg)

4 (env. 220 kg)

Ces comparatifs peuvent laisser interrogatifs : quels poids seraient les plus corrects ? On notera en effet une importante différence entre ceux de la fonte et ceux de la réquisition, en particulier sur les deux plus grandes. On note cependant, grâce aux deux plus petites, qu’il reste quoi qu’il arrive un trou béant entre la 2e et la 5e cloche, compte tenu de la description musicale de la sonnerie « les petites étaient en accord de ton » : c’est-à-dire une portion de gamme musicale, comme nous avons à Megève aujourd’hui. En 1783, les fondeurs étaient tout à fait capables de réaliser une sonnerie plutôt « accordée » et donc avec une certaine proportionnalité des poids. Ces considérations proportionnelles et musicales nous permettent, avec la description de la sonnerie en 1783 d’attribuer des notes de musique aux cloches : Fa, Sol, La, Si bémol et Do, avec un Ré pour la plus grave. A noter que la troisième de 1783 est toujours en place : c’est aujourd’hui la cinquième, le Sol, dont le poids est bien estimé à 650 kilos. Sa petite sœur de 1923 n’est autre qu’un La d’environ 450 kilos. Il n’y a donc pas de doute quant à sa refonte en 1923 et peut être qu’un jour les archives relatives à cette refonte seront retrouvées. Cette cloche, la plus récente du clocher, s’appelle « Jeanne ». C’est un souvenir de la Confirmation donnée à l’église en 1923.

Le tour d’horizon ne saurait être complet sans évoquer la plus petite cloche, « Philippine-Ambroisine ». Datée de 1896, elle a été fondue grâce « à la libéralité de [ses] parrains ». Là aussi, les archives sont terriblement lacunaires. D’un poids d’environ 120 kilos, cette cloche pourrait remplacer, sans aucun doute, la cloche de 80 kilos citée dans les lettres après la grande coulée de 1886. Le contexte de cette coulée, avec celle de 1923, n’est malheureusement pas encore totalement explicable mais la découverte future de nouvelles archives nous aidera probablement à y voir plus clair.

Il semblerait que la sonnerie de l’église ne fut électrifiée qu’en 1954 : les 10 cloches furent alors dotées de marteaux de tintement pour carillonner, alors que seules trois cloches ont été motorisées pour la volée : les cloches 3, 4 et 5. Le bourdon ne sera motorisé pour la volée qu’en 1963 et la cloche 2 à une date ultérieure (inconnue). Les cloches 6 et 7 sont toujours équipées d’une corde alors que les cloches 8, 9 et 10 sont bridées, empêchant la volée et sont donc uniquement tintées.

Nom Fondeur Année Diamètre (cm) Masse (kg) Note
1 Marie Françoise Joséphine du Sacré-Cœur G&F Paccard 1886 166,5 2848

Si 2

2

Claude Paccard 1829 150,8 ~2100 Do 3
3 Jeanne Françoise Claude Paccard 1825 126,3 ~1200

Mi3

4

Claude Paccard 1825 113,0 ~850 Fa 3
5 Antoine et Joseph Livremont 1783 105,0 ~650

Sol 3

6

Jeanne Les fils de G. Paccard 1923 88,0 ~450 La 3
7 Anne Françoise des Sept Douleurs G&F Paccard 1886 82,7 349

Si3

8

Marie Julie Thérèse du Rosaire G&F Paccard 1886 73,2 245 Do 4
9 Vierge du Rosaire G&F Paccard 1886 65,1 168

Ré 4

10

Philippe Ambroisine G&F Paccard 1896 61,9 ~150 Mi4
Timbre Livremont 1756 65,8 ~150

4

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Mes remerciements à :

Le père Bruno Duperthuy, curé, pour son accueil et ses autorisations.
M. Jacques Socquet-Clerc, archiviste et sacristain, pour son accueil et les recherches historiques.
M. David Rossoni, archiviste communal de Megève pour les recherches historiques.
Mme Mélanie Maréchal, archiviste du diocèse d’Annecy pour les recherches historiques.
M. Anthony Gerfaud-Valentin, carillonneur et organiste de Megève.
Mes amis Claude-Michaël Mevs alias « Quasimodo », Victor Fraysse et Loris Rabier alias « Les Cloches Mauriennaises pour l’aide apportée.

Sources & Liens :
Paroisse de Megève
Mairie de Megève
Mairie de Demi-Quartier
Archives paroissiales
Archives communales
Echo paroissial de Megève
« Histoire de Megève pendant la Révolution Française », Abbé Clovis Grosset, 1869

Val-Cenis – Eglise Saint-Etienne (Sollières)

Installée de part et d’autre de la rivière Arc qui creuse depuis des millénaires la vallée de la Maurienne, la paroisse de Sollières s’organise autour de son église Saint-Etienne. D’abord liée administrativement avec celle de Saint-Laurent de Sardières, elle se retrouve aujourd’hui dans une vaste commune nommée Val-Cenis qui englobe d’autres villages en amont et en aval. Le nom Val-Cenis fait évidemment référence au col du Mont-Cenis, trait d’union entre la France et l’Italie et très emprunté avant que le tunnel du Fréjus voit le jour. Percé à Modane, plus en amont, il a malheureusement condamné la haute Maurienne à beaucoup plus de ruralité. Les amateurs de jolis paysages n’en seront pas mécontent, tant la route qui remonte la vallée offre à chaque virage de somptueux paysages dignes d’une carte postale avec de jolis villages typiques, le clou du spectacle étant celui de Bonneval-sur-Arc, qui figure d’ailleurs dans la liste des plus beaux villages de France.

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L’église Saint-Etienne de Sollières a été construite dans un style baroque typique des vallées savoyardes. Ou plutôt reconstruite : en 1817, un éboulement endommage sérieusement l’église qui ne se trouvait pas à son emplacement actuel. Il est donc décidé de la reconstruire et de la déplacer de 200 mètres en amont pour qu’elle soit à l’abri de tout danger naturel : isolé des éboulement et en hauteur de l’Arc pour éviter une crue dévastatrice. Mais cette décision n’a pas été prise sans un long et âpre débat qui a divisé les habitants durant huit années ! Par miracle, certains éléments majeurs de l’église ont été épargnés et réutilisés comme les retables ou encore le baptistère portant la date (approximative) de 1525. L’entrée de l’église peut laisser perplexe : on y pénètre par un vestibule doté de deux entrées latérales, et non par la façade principale ! Ce dernier protège l’église des intempéries et du froid. D’autres personnes raconteront volontiers que les deux entrées de l’église permettaient d’éviter les querelles entre les gens de « Sollières endroit » et ceux de « Sollières envers », une querelle de clochers… autour du même ! C’est aussi la raison qui justifie que le cimetière fasse le tour de l’église avec, là encore, deux entrées opposées. 

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Le clocher, parlons en sans évoquer de querelles cette fois, est encore l’un des rares encore sonnés à la corde dans la région. Il se dit d’ailleurs qu’il y a quelques décennies, elles avaient été électrifiées… au grand dam des habitants ! Le système étant défectueux d’emblée, il aurait été démonté aussitôt ! Réalité, ou alors médisances des habitants farouchement opposés à la fée électricité dans son clocher ? Quoi qu’il en soit, les quatre vénérables dames de bronze sont accrochées sur un beffroi en bois et donnent chacune dans une baie, contemplant chacune des maisons de la paroisse. Elles sont surmontées d’une élégante flèche en pièce cernée par quatre pinacles, architecture courante dans le haut de la vallée. Sous elles, le fin observateur notera que chaque face possède une baie identique mais obstruée : décoration, ou bien indice d’un clocher surélevé pour que sa voix porte plus loin ? Aucune certitude, mais l’hypothèse est là. Au niveau de l’histoire campanaire, les doutes sont aussi présents : les quatre cloches ont été fondues entre 1829 et 1883 par la fonderie Paccard, d’abord à Quintal puis à Annecy-le-Vieux. Les deux plus petites sont les plus anciennes. Elles ont été commandées alors que l’église venait d’être reconstruite : les anciennes ont-elles péries dans l’éboulement ? Ces deux cloches portent la griffe de Claude Paccard et la date du 20 août 1829. Le lieu de fonte est aussi indiqué : Quintal, en Haute-Savoie. C’est dans cette commune que le père de Claude, Antoine, y installe un four dès 1796, année de fondation de l’entreprise encore active aujourd’hui. Sur la plus petite figure la même signature. Mais un détail interpelle : un petit blason circulaire avec une cloche. Elle est entourée par l’inscription circulaire « Paccard fondeur à Quintal ». Sur la cloche du blason, il est inscrit « Jean Paccar ». Il peut s’agir de deux personnes : Jean-Pierre Paccard, frère cadet de Claude, lui aussi fondeur (son nom apparaîtra sur les cloches au côté de Claude dès le début des années 1830) ou alors Jean Paccard, un autre frère de Claude. Il sera d’ailleurs directeur des forges de Giez puis de Cran. Elles appartenaient à Louis Frèrejean, entrepreneur lyonnais. A noter que Claude Paccard a signé comme « fondeur de Mr Louis Frèrejean » sur une partie des cloches livrées durant la décennie 1820. Ajoutons enfin que le même jour (20 août 1829), Claude Paccard réalise l’actuel « petit bourdon » de l’église Saint-Jean-Baptiste de Megève (Haute-Savoie) qui est quant à lui signé « Claude Paccard fondeur de Mr Louis Frèrejean » ! Les deux petites cloches de Sollières ont pour maxime « Sit nom Domini benedictum » c’est à dire « Bénit soit le nom du Seigneur » alors que la plus grande, livrée en 1856, invoque le patron de la paroisse, saint Etienne, fêté le 26 décembre. Elle ajoute la phrase suivante « de la religion sonore monument raisonne pour les morts convoque les vivants ». La seconde cloche, la plus jeune, tire sa maxime du livre des proverbes « Vox mea ad filios hominum » (« Ma voix d’adresse aux enfants des hommes » Prov 8, 4).

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

St Etienne

Frères Paccard

1856

111

~800

Fa3

2

G&F Paccard

1883

100,2

~600

Sol3

3

Claude Paccard

1829

81

~300

La3

4

Claude Paccard

1829

75,8

~220

Do4

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Ils s’appellent Nathan, Timo ou encore Victor. Natifs de Sollières et des villages voisins d’Aussois et Bramans, ces jeunes qui ont la vingtaine se relaient ou s’associent au gré des fêtes pour carillonner sur les cloches et assistent Bernard, devenu il y a plusieurs années le carillonneur de Sollières. Les mélodies sont variées : l’Ane de Saint-Antoine, composition d’un ancien carillonneur du clocher, ou encore une adaptation de l’Ave Maria, l’Eau Vive… Tant de mélodies joyeuses qui rappellent au village que le jour vécu est festif. Les réjouissances ne s’achèvent jamais sans lancer une volée après le carillon. Les quatre cloches se balancent donc avec entrain ! Parfois même, la grande volée peut laisser place au glas. C’est ce qu’il c’est passé le 31 décembre 2022 : alors que les carillonneurs saluaient l’année 2022 pour la saint Sylvestre, voilà que l’on apprend le décès de Benoit XVI, pape de 2005 à 2013. Pour l’occasion, seule la grosse cloche c’était mise en branle ce jour là, comme il est de coutume pour un défunt. Une exception pour montrer que les cloches ont elle aussi une âme et continuent à être de véritables messagères, même si elles ne sonnent pas chaque demi-heure comme les villages voisins. Puissent elles encore longtemps être actionnées par l’énergie d’une poignée de jeunes passionnés par leurs traditions vivantes ! 

Mes remerciements à :

  • M. Bernard Pinot, carillonneur de l’église, pour son accueil.
  • M. Yvan Caporizzo, chancelier des diocèses de Chambéry, Maurienne et Tarentaise, pour l’organisation du rendez-vous
  • MM. Bois, Favre et Fraysse, jeunes carillonneurs, pour l’interprétation des mélodies
  • Mes amis Claude-Michaël Mevs « Quasimodo » et Loris Rabier « Les Cloches Mauriennaises » pour l’aide apportée à la réalisation de ce reportage.

Sources & Liens :
Sollières-Sardières
Relevé personnel
Clichés personnels

Arbusigny – Eglise Saint-Jean-Baptiste

Juché contre les pentes du plateau des Bornes, le village d’Arbusigny se situe sur le trajet de l’antique « chemin du sel », voie romaine reliant Genève à Annecy. Ce chemin ne traverse cependant pas son chef-lieu mais une poignée de la cinquantaine d’hameaux qui compose les 12 kilomètres carré de la commune et dans lesquels se répartissent plus de 1100 arbusigniens. A la chute de l’empire romain et cette voie tombée dans l’oubli, Arbusigny se retrouve en marge des principaux axes de la région pendant des siècles, isolant alors cette commune rurale vivant principalement de l’agriculture lors d’hivers rigoureux. Evidemment, ce temps est révolu et Arbusigny est même aujourd’hui un village plutôt prisé de personnes qui recherchent la tranquillité et une excellente qualité de vie avec en -cerise sur le gâteau- un magnifique panorama à 360° sur les montagnes environnantes.

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Placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste, gage de son ancienneté, la paroisse d’Arbusigny est citée pour la première fois il y a un millénaire. Conon de Genève, alors évêque de Maurienne, la donne entre 1090 et 1107 aux chanoines de Saint-Jean de Genève. Nous savons ensuite que l’évêque Jean de Bertrand la visite en 1411 et trouve « un chœur en ruines ». Il est aussi relevé le manque de piété des habitants qui préfèrent danser dans le cimetière que de se rendre à l’église ! Au XVIème siècle, l’église est reconstruite au même emplacement que la précédente. La porte du monument est d’ailleurs datée de 1533, signe de cette reconstruction. L’édifice est plein de curiosités : nef unique au plafond de bois, chœur avec voûtes gothiques et cinq chapelles latérales de dimensions inégales. A la Révolution, comme dans beaucoup d’endroits, l’église est pillée. Les années 1830 sont le théâtre dans la commune un grand débat : reconstruire le clocher, et comment le faire. Plusieurs hypothèses voient le jour : construire un beffroi au dessus de la nef ou alors une tour, créant alors porche. C’est finalement cette option qui sera retenue. Ce dernier est estampillé du millésime 1837. Le 7 mai 1859, Mgr Cesbron, évêque d’Annecy, procède à la bénédiction de la restauration du monument après une réorganisation de la nef et des chapelles. Plus récemment, les peintures extérieures ont été reprises. Un très beau jaune remplace un gris terne présent sur le monument depuis des décennies.

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Evidemment que la paroisse d’Arbusigny possède des cloches depuis longtemps. Malheureusement pour nous, les archives sont plutôt discrètes à ce sujet. En 1816, Jean-Baptiste Pitton, maître-fondeur à Carouge, réalise une cloche d’environ 475 kilos offerte par Jean-François-Emmanuel Collomb d’Arcine, colonel au 4ème régiment de la garde royale en France et par sa femme. La cloche a été fondue « l’année de la libération des françois » comme elle le précise. Sans doute elle n’était pas seule car en 1850, on refond et augmente une plus petite cloche qu’on appellera « Jeanne-Marie ». Cette cloche de 350 kilos est le fruit d’un don du curé archiprêtre d’Arbusigny, le révérend Pachon. Mais il faut savoir que cette cloche n’est pas venue seule. En 1849, la commune d’Arbusigny étudie la possibilité de fondre une cloche de 20 quintaux (environ 1’200 kilos) avec les excédents budgétaires de la commune. C’est finalement une cloche de 1’400 kilos baptisée « Jeanne-Eugénie » qui rejoindra le clocher d’Arbusigny achevé quelques années auparavant. Ces deux cloches ont été bénites dans le cimetière autour de l’église le 20 août 1850. Les autorités ont d’ailleurs fait appel à MM. François et Jean-Marie Bulliod, fondeurs de cloches à Carouge et successeurs de Jean-Baptiste Pitton. C’est donc une sonnerie entièrement carougeoise qui retentit depuis le clocher d’Arbusigny. 
Le 2 janvier 1892, le clocher d’Arbusigny est au cœur d’un drame relaté par le journal « l’Indicateur de la Savoie ». Un jeune homme de la commune est chargé de faire sonner les cloches pour une sépulture. Trouvant qu’elles ne montaient pas assez haut, il décida de grimper sur le beffroi pour les sonner par leurs jougs ! Il perd l’équilibre et il tombe. Il croise alors l’une des cloches en mouvement qui le projette contre le mur. Le malheureux dont le crâne fit fracassé par la violence du choc rendit son dernier souffre trois jours après le drame.

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Jeanne-Eugénie

Bulliod frères

1850

132,7

~1’400

Ré3

2

 

Jean-Baptiste Pitton

1816

92,5

~475

Sol3

3

Jeanne-Marie

Bulliod frères

1850

83,8

~350

La3

Les deux cloches fondues en 1850 :

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La cloche fondue en 1816 :

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Mes remerciements à :
M. Roland Excoffier () pour l’organisation de cette visite.
La municipalité d’Arbusigny et plus particulièrement Madame le Maire et ses maires-adjoint(e)s. 
M. Serge Jacquemoud, sacristain, pour son accueil.
Mme Nathalie Debize, membre d’association La Salévienne, pour la mise à disposition d’archives.
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’étroite collaboration.

Sources & Liens :
Archives départementales de Haute-Savoie (fonds 6FS114 et 6FS115)
Paroisse Saint-Jean-XXIII d’Arve et Salève
Commune d’Arbusigny
La Salévienne
Indicateur de la Savoie, 23 janvier 1892, page 2
Fonds privés
Relevé et clichés personnels

Saint-Gingolph – Eglise Saint-Gingolph

Au sud du Lac Léman, on peut trouver deux communes au nom identique : Saint-Gingolph. Ces deux communes ne sont séparées que par une rivière : la Morge. Cette petite rivière est depuis des siècles la frontière entre deux territoires qui sont devenus avec le temps, d’une part la France (Haute-Savoie) et d’autre par la Suisse (Valais). Ce qui était autrement qu’une seule communauté se retrouve donc séparée « pour toujours » en deux entités distinctes. Le cimetière et l’église pour les deux communes se trouvent tous deux en France. Si bien que les défunts suisses doivent traverser la frontière pour rejoindre leur dernière demeure. Pendant le conflit 1939-1945, de nombreuses « fausses funérailles » étaient organisées à Saint-Gingolph : les cercueils qui traversaient la frontière étaient en fait pleins d’armes et de vivres pour les français en plein conflit ! Il faut aussi mentionner la « Tragédie de Saint-Gingolph » le 23 juillet 1944 : en représailles à la Résistance, une grande partie de la commune française est brûlée par les allemands et certains villageois seront fusillés. Comme la communauté catholique se rend en France pour le culte, le diocèse d’Annecy (qui couvre presque toute la Haute-Savoie) déborde donc automatiquement sur la commune suisse. 

Borne frontière sur un trottoir.

Le nom des villages peut venir de deux saints : saint Gingolph, membre de la légion thébaine décimée à quelques kilomètres de là à l’Abbaye de Saint-Maurice, du nom du capitaine de cette légion chrétienne. Il y a aussi saint Gangolf d’Avallon, qui aurait foulé cette terre au VIIIème siècle et aurait fondé le village. Mais les écrits nous racontent qu’aux prémices de la chrétienté, le village se trouvait centré sur l’actuel hameau de Bret (côté Français) et qu’un éboulement en 640 fit déplacer la paroisse vers sa position actuelle. L’ « Ecclésia Sant Gendoulfo » fut reconstruite à peu près à l’emplacement de l’actuel édifice, à quelques mètres du torrent. En 1153, Eugène III donne l’église au prieuré Saint-Jean de Genève qui dépendait lui-même de l’abbaye d’Ainay près de Lyon. L’église sera ensuite intégrée au diocèse de Genève puis au diocèse d’Annecy. Un éboulement aura raison du sanctuaire en 1584 avant d’être reconstruit. Le lieu de culte actuel date de 1770. Il a été consacré le 13 juillet 1784. Il fut relativement épargné à la Révolution grâce à la proximité suisse : le bâtiment a été racheté par la bourgeoisie de Saint-Gingolph, offrant -en plus de la binationalité paroissiale- une autre singularité : l’édifice n’était aucunement concerné par la loi de 1905 qui -entre autres choses- restituait le patrimoine religieux aux communes. La bourgeoisie est toujours propriétaire du lieu, affecté au culte catholique et desservi par la paroisse d’Evian-les-Bains. Epargné de justesse par l’incendie du village en 1944, l’édifice religieux est intégralement restauré avec le concours de la bourgeoisie et la communauté locale en 1999.

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Le clocher, adossé à la sacristie et au chœur, peut s’enorgueillir de posséder deux cloches prérévolutionnaires, palmarès rare détenu avec une poignée de clochers haut savoyards. La situation du lieu à la Révolution n’y est absolument pas étrangère. La plus ancienne mention campanaire remonte à 1673. Jean Richenet, fondeur basé à Vevey (Suisse) réalise une cloche d’environ 300 kilos. Elle sera rejointe en 1729 par une plus petite cloche nommée « Marie ». Cette cloche a été commandée par Etienne Dérivaz, notaire apostolique et chatelain, les syndics et conseillers de Saint-Gingolph. En 1785, Pierre Dreffet -lui aussi établi à Vevey- est chargé de refondre une troisième cloche. Pendant 152 ans, le clocher de Saint-Gingolph conservera ses trois voix avant que la doyenne ne rende l’âme : elle était fêlée. Décision est prise d’en commander une nouvelle aux ateliers anciléviens dirigés par les fils de Georges Paccard pour commémorer la mission effectuée en 1937. C’est ainsi que la paroisse accueille avec ferveur « Anne Thérèse Louise Augustine » qui reprend une partie des inscriptions de sa prédécesseure. L’aventure continuera en 2019 avec l’ajout, sur l’initiative de l’association « Patrimoine de Saint-Gingolph » d’un carillon de 12 cloches installées dans les baies nord et ouest du clocher. Fondu -lui aussi- aux ateliers Paccard, il permet d’agrémenter les rues du bourg de diverses mélodies. Il est le fruit de la générosité de nombreux mécènes. 

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Pierre Dreffet

1785

92

~400

La3

2

Anne Thérèse Louise Augustine

Les fils de G. Paccard

1937

74,1

259

4

3

Marie

Inconnu

1729

54

~90

Fa4

Carillon : 12 cloches – Paccard, 2019 – 419kg – Do5 diatonique Mi6 + Fa5 et Si5

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Mes remerciements à :
M. Michel Galliker, président du conseil de paroisse de Saint-Gingolph, pour son aimable autorisation et son accueil.
M. Gérard Scheurer, président de l’association « Patrimoine de Saint-Gingolph ».

Sources & Liens :
Saint Gingolph sur Wikipédia
Association « Patrimoine de Saint-Gingolph »
Relevé sur site
Fonds privés
Clichés personnels

Chênex – Eglise Notre-Dame-de-l’Assomption

Au cœur du Genevois, à quelques encablures du bec que forme la Suisse en France, la commune de Chênex se dresse contre les pentes douces de la montagne de Sion, à proximité du Mont Vuache. Cette petite commune rurale a été longtemps marquée par l’agriculture. Elle donnera cependant de nombreux ecclésiastiques au diocèse d’Annecy. Deux d’entre eux seront élevés à la dignité épiscopale : d’une part Mgr Joseph Duval, archevêque de Rouen et Primat de Normandie et d’autre part son oncle, le cardinal Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger. Ces deux personnalités religieuses du XXème siècle ont été baptisées dans le baptistère, au fond de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Chênex.

On retrouve des traces de la paroisse depuis le XIIIème siècle. Mais il est probable qu’elle soit plus ancienne. La visite de l’évêque en 1412 est assez détonante : le curé vit en concubinage et les paroissiens dansent dans l’église ! De quoi agacer le prélat. A la Réforme, la paroisse n’échappe pas aux protestants qui y imposent par la force leur religion dès 1536 (nous ne sommes qu’à quelques pas de Genève !). En 1598, onze paroissiens abjureront le protestantisme aux Quarante Heures de Thonon. Au XVIIème siècle, la paroisse est un temps sous le joug de celle de Viry. Car si l’église était relativement préservé de l’invasion protestante, il n’y avait plus de presbytère et plus de prêtre non plus dans la paroisse ! A la Révolution, comme toutes les communes, Chênex est privé de cloche et clocher. La paroisse sera une nouvelle fois rétrogradée au Concordat pour être rattachée cette fois à Valleiry. Si Chênex a pu redevenir une paroisse indépendante, c’est grâce au curé de Valleiry en personne… malgré lui ! Il fallait reconstruire son église et il mit à profit toute sa paroisse. Cependant Chênex ne l’entendait pas de cet avis : il y avait une église elle aussi en mauvais état. Après d’âpres discussions et coups bas, Chênex redevient indépendant en 1841. Mais il fallut encore 50 ans avant de pouvoir entreprendre des travaux sur l’église, manque de moyens. En 1888, le vicaire général d’Annecy déclare à propos de l’église qu’il n’y en a pas davantage délabrée dans le diocèse ! Après avoir trouvé les fonds, l’église est bâtie dès le 20 mai 1890 à un autre emplacement (plus loin de la rivière) et l’évêque consacrera le lieu le 24 septembre 1892. On a confié les plans du monument à l’architecte Dénarié qui a proposé un style néo roman. L’église possède encore le tabernacle de la chartreuse de Pomier, probablement du XVIème siècle et une Vierge à l’Enfant du XVIIème. L’orgue à tuyaux est un don du cardinal Duval en personne. Initialement installé à l’église Notre-Dame-des-Victoires d’Alger, ce monument redeviendra une mosquée lors de l’indépendance algérienne et l’orgue y était donc superflu. 

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Le clocher, qui vient de troquer son ancienne flèche délabrée contre une neuve, abrite deux cloches. Elles ont été installées de l’ancienne église dont elles sont des vestiges. Avant cela, le registre des baptêmes nous indique que le 2 octobre 1760 est bénie une cloche dédiée à la Vierge Marie et conçue par Jean-François Livremont. Son poids était d’environ 196 kilos. Démontée à la Révolution et déplacée à Carouge pour y être fondue, elle est remplacée en 1796 par une cloche issue du dépôt de Bonneville. Il est évident que cette cloche n’a jamais connu Chênex avant son installation ! Au début des années 1860, la cloche est provisoirement placée sur des poutres de bois en mauvais état et à chaque sonnerie, tout menace ruine ! Les délibérations municipales nous apprennent plus tard qu’en 1866, la cloche unique est cassée et qu’il faut la refondre. Il convient alors de la remplacer par une cloche toute neuve. Le 30 avril 1867, le fondeur Burdin Ainé de Lyon ne livre pas une mais deux cloches fondues l’année précédente ! La grosse cloche arbore le nom de ses parrains et marraines, du maire, de son adjoint et du curé. La plus petite cloche cite également son parrain et sa marraine en précisant que c’est un hommage à Marie Immaculée de leur part. Il y a donc fort à parier que cette cloche est un don spécial. En 1873, le conseil municipal expose qu’il reste à régler une somme importante à M. Burdin. La faute serait aux souscripteurs qui y mettent « de la mauvaise volonté ». Une autorisation est demandée au préfet de prélever la somme sur son budget pour préserver l’honneur de la commune. En 1989, les deux cloches doivent être électrifiées. Problème : la plus grosse semble sonner comme une cloche fêlée. Décision est prise de la remplacer. Une cloche neuve est donc fondue aux ateliers Paccard moyennant un rabais avec la reprise de la vielle cloche. Mais Pierre Duval -habitant du village- ne pouvait se résoudre à voir cette cloche partir à la casse et la rachète au prix du bronze. Elle coule depuis une retraite paisible dans sa propriété, à quelques pas du clocher. Comme cette cloche devait disparaître, la décision avait été prise de reprendre ses inscriptions sur la nouvelle, tout en y ajoutant la seconde date de fonte et le nom des autorités en place (maire, adjoint et curé). 

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

 

Fonderie Paccard

1989

83,8

~360

Si3

2

Marie Immaculée

Burdin Ainé

1866

58,3

~145

Fa 4

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Mes remerciements à : 
M. Pierre-Jean Crastes, maire de Chênex
M. Luc Brunier, cantonier de Chênex
Mme Dominique Miffon, auteure d’une prochaine biographie sur le village de Chênex
M. Claude Mégevand, président de la Salévienne

Sources & Liens :
Mairie de Chênex
Archives Départementales de la Haute-Savoie
Fonds de Mme Dominique Miffon
La Salévienne
Fonds privés
Clichés personnels
Relevé sur site

Brenthonne – Château Saint-Michel d’Avully

Il y a quelques années, je vous emmenais à la découverte de l’église Saint-Maurice de Brenthonne. Cet édifice néoclassique du XIXème siècle possède la particularité d’être séparée de son clocher, resté à l’emplacement de l’ancien monument. Brenthonne, c’est aussi la fusion de trois anciennes paroisses avec Vigny et Avully. Sur cette dernière ancienne paroisse, une église fut consacrée en 1479. Elle a malheureusement disparue depuis. Mais au lieu d’un clocher d’église, c’est un donjon de château qui trône : celui du Château Saint-Michel d’Avully.
Cette maison forte fut construite au XIVème siècle à l’emplacement d’une importante villa romaine. Elle était alors le siège de la seigneurerie d’Avully. La famille d’Avully fut d’abord vassale de la famille de Faucigny, avant de faire aveu aux Comtes de Savoie puis aux Dauphins de Viennois. La demeure passera ensuite par les mains de plusieurs familles avant d’être en possession de la famille Saint-Michel, d’où il tire encore son nom actuel, qui -a contrario des églises- n’est nullement un vocable ou une dédicace. Au XVIIIème siècle, la famille de Sales achète le château, qui tombera progressivement à l’abandon jusqu’à l’état de ruines. C’est à la fin du XXème siècle qu’il retrouvera de sa superbe avec la famille Guyon qui le rachètera à son tour. Cette famille portera sa restauration, ou plutôt sa reconstruction, afin de l’ouvrir au public aujourd’hui. Véritable lieu d’histoire, le château accueille tout au long de l’année des évènements privés comme des mariages ou encore des séminaires.

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Au sommet du donjon, qui sert aussi de clocher à l’ensemble, se trouvent huit cloches d’un poids total d’environ 440 kilos. Fondues en 1999 par la fonderie Paccard, elles permettent de rythmer le quotidien des lieux et de ponctuer les évènements qui s’y déroulent. Il a été installé et financé par Jean et Yvonne Guyon pour leur 55 ans de mariage, cinq ans après un premier don campanaire pour l’église Saint-Symphorien d’Excenevex. Sur leur flancs sont gravés de multiples prénoms et noms : il s’agit de la descendance des Guyon et des hommages à des personnes qui leur étaient chères. Muet assez rapidement après son installation, il a été remis en fonction il y a quelques mois. Ce travail a pu être réalisé avec le concours et l’aide d’un électricien, Laurent Nicolet, et des Chevaliers d’Avalon de Genève. Pour la petite anecdote, les genevois ont souhaité détruire le château d’Avully en 1603, en réponse à l’Escalade qui eut lieu à Genève quelques mois plus tôt. Mais les habitants d’Avully s’y sont opposés, protégeant le château en dépit de leurs biens personnels, souvent confisqués par l’ennemi. C’est aujourd’hui en toute amitié qu’ils viennent chaque année depuis 2013, -leur président Laurent Farinelli en tête- pour aider les propriétaires de multiples manières : soutien financier, conseils, logistique ou encore entretien divers et variés. Une belle manière d’enterrer la hache de guerre et de préserver un patrimoine séculaire !

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Mes remerciements à la famille Guyon, et plus particulièrement à Pierre Guyon, pour son chaleureux accueil.

Sources & Liens :
Château d’Avully
Château d’Avully sur Wikipédia
Chevaliers d’Avalon
Clichés personnels
Fonds privés
Relevé personnel

Collonges-sous-Salève – Eglise Saint-Martin

Avez-vous déjà entendu parler de la varappe ? Le nom de ce sport où nous devons escalader le couloir rocheux d’une montagne tire ses origines de Collonges-sous-Salève ! Nous sommes à mille lieues de l’art campanaire, j’en conviens, mais il est important de notifier ceci alors que je m’apprête à présenter une petite commune frontalière en Haute-Savoie et qui accueille aujourd’hui énormément de frontaliers parmi ses habitants. La commune de Collonges-sous-Salève a également partagé une histoire commune avec sa voisine d’Archamps, tantôt une seule entité spirituelle et/ou administrative. Collonges-sous-Salève peut donc s’émouvoir de posséder, sur sa commune, le couloir dit « de la Grande Varappe » qui donnera donc progressivement ce nom à un sport, même si aujourd’hui ce nom commun est délaissé pour simplement parler d’escalade, que ce soit sur un mur, dans un gymnase, ou grandeur nature. Est-ce la seule fierté de Collonges ? Non ! Que l’on aime ou pas la musique classique, nous avons tous entendu une fois un air de Guiseppe Verdi (1813 – 1901) quelque part… Le rapport avec Collonges est simple : c’est dans l’église que Verdi a épousé en secondes noces Giuseppina Strepponi. Alors qu’il était dans ses grandes heures, il dû l’épouser en secret dans une paroisse qu’il n’aura fréquenté qu’un seul jour de sa vie. Les témoins ? Le cocher qui les a emmené à Collonges depuis Genève (ville qui a refusé de les marier!) et le sonneur de cloches de Collonges. Le célébrant ? L’abbé Gaspard Mermillod, futur cardinal, alors curé de Notre-Dame de Genève. Une plaque contre l’église avec son buste permettent de se rappeler ce moment presque clandestin d’une personne pourtant si célèbre.

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L’église Saint-Martin de Collonges, parlons en, est malheureusement très peu documentée. Le fin clocher qui a été entièrement restauré en 2013 serait antérieur à l’église actuelle, reconstruite entre 1850 et 1851 dans un style néogothique, sans doute la première en Pays de Savoie. Les plans sont de Jean-Marie Gignoux, auteur de l’église Saint-André d’Annemasse ou encore de la Basilique Notre-Dame de Genève. De manière antérieure, on sait qu’une ancienne église fut consacrée en 1480 et que le 13 juin 1671, un maître-autel fut consacré, quelques jours après la consécration des autels de l’église voisine d’Archamps. L’église de Collonges reprend la forme d’une croix latine, chose qui ne faisait absolument pas l’unanimité à l’époque alors que la vogue était aux églises néoclassiques sardes avec un plan basilical. On raconte aussi qu’après les travaux et la consécration du monument le 9 mai 1852 par l’évêque d’Annecy Mgr Rendu, il restait 19 782 livres à payer à l’entrepreneur, François Faletti. Ce dernier fut contraint de menacer la commune de sévères poursuites pour que cette dernière solde cette dépense avec un don du curé, plusieurs emprunts et des corvées des habitants. L’aménagement intérieur, dont le charmant chemin de croix et les autels latéraux dédiés à la Vierge et à saint Joseph, n’est malheureusement pas précisé dans le détail.

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Nous sommes en 2013. Collonges connait alors une drôle d’époque : son clocher est amputé de sa flèche ! Cette dernière, dans un état très dégradé, menaçait tout simplement ruine. Au delà de ce travail spectaculaire, la municipalité va plus loin et pilote en fait un vaste chantier : redonner une jeunesse à l’extérieur de toute l’église et de son clocher. Mais pour ce dernier, le bilan s’avère lourd : le poids des âges et des cloches le fragilise ! A l’intérieur de celui-ci, tout est repris. Les murs ont été doublés par du béton armé, voire parfois complètement repris. Dans les 4 coins de la chambre des cloches, on coule des piliers de béton pour soutenir les murs séculaires. Mais ces aménagements posent un grave problème : les cloches ne peuvent plus se balancer correctement. Pour que l’église retrouve sa voix, un nouveau beffroi est commandé aux ateliers Paccard. Jadis côte à côte, les deux cloches seront dorénavant l’une sur l’autre afin d’être toutes les deux au centre de la tour. On se rendra d’ailleurs compte que lors de la volée, la grosse cloche passe à quelques centimètres seulement des baies géminées, munies d’abat-sons et de grillages anti volatiles. Evidemment, une nouvelle flèche à l’identique fut réalisée et déposée au sommet du clocher afin de lui redonner son allure !
Mais du côté des cloches, qui sont-elles ? Une chose est certaine, elle n’ont pas pu sonner le mariage de Guiseppe Verdi car elles sont postérieures. Elles sont signées toute deux par les célèbres fondeurs Paccard d’Annecy-le-Vieux. La plus grosse porte les noms de « Marie Philippine Pierrette » et a été coulée le 19 septembre 1860, en même temps que les cloches de Boëge ou encore celle de Montailleur. D’un poids de 808 kilos exactement, elle remplace une cloche plus ancienne et fêlée, qui ne pesait que 554 kilos. La petite cloche, fondue en 1886, porte les noms de « Françoise Berthe Louise Joséphine Claudine » et loue un culte à la sainte Trinité, à la Vierge Immaculée et à saint Martin, patron de la paroisse. Des anciennes cloches, nous ne savons rien sinon le poids de l’ancienne grosse cloche mentionné plus haut. Des « cloches » sont simplement évoquées dans les registres du casuel (baptêmes mariages sépultures) de 1763-1787. Une annexe présente les différents travaux du clocher et fait mention de travaux sur le « plancher des cloches » mais aussi que le clocher était déjà fermé à clé pour « éviter aux enfants d’aller y faire [des] extravagances » sans préciser d’autres choses dans le domaine campanaire…

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Marie Philippine Pierrette

Paccard frères

1860

109,7

808

Fa 3

2

Françoise Berthe Louise Joséphine Claudine

G&F Paccard

1886

87,5

~400

La 3

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Mes remerciements à :
Mme Annie Pérréard, sacristine, pour l’ouverture des lieux et les sonneries.
M. Michel Brand, pour l’organisation de la visite.
M. Pierre Paccard, ancien directeur de la fonderie éponyme, pour la mise à disposition du cahier de fonte (1860).
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’aide apportée.

Sources et liens :
Association Arcofi
Paroisse Saints-Pierre-et-Paul en Genevois
Archives départementales de Haute-Savoie : Registre des baptêmes 1763-1787 / Actes de Mariages 1859
Fonderie Paccard : Cahier de fonte de l’année 1859
Relevé sur site
Fonds privés