Verdun – Cathédrale Notre-Dame

En 2014, alors que nous fêtions les 100 ans de la mobilisation de la Première Guerre Mondiale, je vous faisais découvrir l’Ossuaire de Douaumont et son « bourdon de la Victoire« , fondu par Bollée-Blanchet en 1927. Lors de ce séjour, j’ai découvert la Meuse, mais aussi la Champagne et l’Aisne. J’ai été profondément marqué par ces longs alignements de croix blanches, ces paysages encore marqués par les impacts d’obus et ce silence parfois pesant, qui en réalité cache le bruit des balles qui sifflaient et le bruit des explosions. Lors de ce séjour, je n’ai pas pu fouler le porche de la Cathédrale Notre-Dame de Verdun, mais je l’ai aperçu au loin. Et j’avais envie de découvrir cet édifice. En juillet 2016, accompagnés de quelques amis, j’ai non seulement pu y entrer, mais j’ai aussi eu l’autorisation d’accéder dans les deux tours et d’y enregistrer une première volée. Nombre de déconvenues d’ordre technique ne m’ont pas permis de vous faire partager cette première visite, mais j’avais promis de le faire à l’occasion de mon retour, avec comme échéance les 100 ans de l’Armistice. Ce jour étant arrivé, il me convient de vous raconter une histoire singulière à mes yeux…

La ville de Verdun est aujourd’hui réputée dans le monde entier. Ses alentours ont été témoins d’une atroce bataille entre le 21 février et le 18 décembre 1916. On en dit souvent : « 300 jours, 300 nuits, 300 000 morts ». En réalité, cette boucherie fit plus de 700 000 victimes, en incluant les blessés et prisonniers de guerres. La position stratégique de Verdun en Lorraine et sa proximité avec l’Alsace, à l’époque allemande, ne l’épargna pas. Pourtant aujourd’hui, cette ville de 20’000 habitants organisée autour de la cathédrale ne montre plus aucune blessure, ou presque. La nature a pudiquement tiré un voile sur le passé, laissant des centaines de milliers de croix blanches, dans différents cimetières rappeler les vies emportées. Ils s’appelaient Alphonse, Victor, Ernest ou François. Ils venaient d’ici, de Savoie, de Provence, de Bretagne ou encore de Paris. Eux qui sont partis en temps de guerre, qu’ils reposent aujourd’hui en paix.

La vie à Verdun n’a bien sûr pas commencé il y a un siècle. La présence d’une agglomération est attestée autour de la rivière Meuse dès l’Antiquité, lorsque les celtes fondent un oppidum (ville fortifiée). Devenue un véritable chef-lieu, elle sera l’une des quatre cités de la Belgique première. C’est dans cette même cité qu’est signé en 843 un traité scindant l’Empire Carolingien en trois. Au Xe siècle, la ville intègre le Saint-Empire romain germanique. Elle formera avec Metz et Toul la Province des « Trois-Évêchés » avant de devenir française en 1648. En plus de la bataille de 1916, on y dénombre d’autres affrontements : en 1792, lors de la Révolution, ou encore en 1870, conflit qui vit la France perdre l’Alsace et la Moselle.
Sur le plan religieux, le diocèse de Verdun semble avoir été créé au VIe siècle. On note une interruption entre 1801 et 1822, comme beaucoup de diocèses suite à la Révolution Française. Depuis 2002, le diocèse est dit « suffragant » de l’archidiocèse de Besançon, suite au redécoupage des différentes provinces ecclésiastiques en France. Entre les XIe et XVIe siècles, le diocèse fait partie du Saint-Empire et connait une période faste. Il en était un état autonome et l’ordinaire jouissait des titres de Comte-Évêque et de Prince du Saint-Empire. Cette situation dure jusqu’en 1552, date à laquelle l’évêché est placé sous la tutelle de la France avant son annexion définitive en 1648. A sa suppression entre 1801 et 1822, l’évêché est ajouté à celui, voisin, de Nancy-Toul. Le diocèse sous sa forme actuelle compte une soixantaine de prêtres pour environ 170 000 catholiques. Il recense deux basiliques mineures. Celle d’Avioth a été érigée par saint Jean-Paul II en 1993. La cathédrale, en plus d’être l’église-mère du diocèse, possède également le titre de basilique depuis 1947.

La cathédrale Notre-Dame a été bâtie à partir de 990 sur le plan roman-rhénan, ce qui fait d’elle une des plus anciennes d’Europe. Ce plan lui donne la particularité de posséder deux chœurs : l’un à l’ouest, et l’autre à l’est, chacun flanqué de deux tours. Dès le début du chantier, aux XIe et XIIe siècles, des ravages obligent les bâtisseurs à reconstruire certains éléments et à modifier l’architecture de l’ensemble. Le pape Eugène III consacre la cathédrale un 1147, un… 11 novembre ! Il s’agit en fait la seconde cathédrale du diocèse. La première, remplacée par l’Abbaye Saint-Vanne, a été la proie des invasions barbares. Au XIVe siècle, la cathédrale est modifiée dans le style gothique par Pierre Perrat. Des chapelles latérales sont ajoutées. Par la suite, jusqu’au XVIe siècle, on note l’ajout d’autres chapelles et la construction du cloître. Le 2 avril 1755, la foudre s’abat sur la cathédrale, détruisant la toiture et les tours. A la suite de cet incident, deux des quatre tours ne sont pas reconstruites, et la cathédrale est rebâtie dans le style baroque. Sont alors ajoutées de nouvelles stalles, un nouvel orgue et un baldaquin imitant celui de la basilique Saint-Pierre de Rome. En 1916, la cathédrale – position stratégique oblige – est endommagée par les bombes allemandes. Ce sont les tours et la toiture qui paient le plus lourd tribu des bombardements. La cathédrale est reconstruite et restaurée. entre 1919 et 1935.

A elles seules, les deux tours restantes de la cathédrale ne comptent pas moins de 19 cloches, fondues entre 1756 et 1955. Seules les 3 plus petites cloches de ce vaste ensemble campanaire ne sonnent pas en volée. Elles peuvent par contre être tintées lors de carillons enregistrés. Cela fait donc de Verdun la seconde sonnerie en volée de France après la cathédrale de Strasbourg : 16 cloches. Le 10 août 1738, la tour nord-est est détruite avec les huit cloches qu’elle contenait. Le coup de grâce est porté le 2 avril 1755 : la totalité des autres cloches sont anéanties dans l’incendie qui ravage la cathédrale. Seuls les deux tours ouest sont reconstruites. Pierre Guillemin de Breuvannes (Bassigny) se voit passer commande de deux bourdons et d’une cloche de 200 kilos. La sonnerie se voit ensuite étoffée à mesure jusqu’en 1783, date à laquelle on recense onze cloches. En 1792, la sonnerie n’en comptait plus que huit. Les deux bourdons et la petite cloche de Pierre Guillemin échappent à la réquisition de 1793 grâce à leur usage civil. En 1810, Farnier réalise une cloche de 300 kilos afin de compléter l’ensemble.
C’est à partir de 1874 que s’engage le vaste chantier campanaire destiné à donner à la sonnerie l’aspect imposant que nous lui connaissons aujourd’hui. La fonderie Farnier-Bulteaux de Mont-devant-Sassey est sollicitée pour réaliser 16 cloches. Les deux petites cloches de 200 et 300 kilos retournent au creuset. Les travaux s’articulent en deux étapes : les années 1870 voient l’ajout d’un troisième bourdon et de trois cloches, à l’octave des plus grandes. C’est dans les années 1890 que la sonnerie prend sa forme actuelle. On ajoute d’abord les cloches intermédiaires (plus de 700 kilos), puis les plus petites viennent compléter l’ensemble en 1899. En 1945, la cloche numéro 13, baptisée « Louise », endommagée par un éclat d’obus est refondue par Joseph Granier dans le Midi. En 2010, « Florence », la quatrième cloche, est ressoudée car fêlée.

Nom Fondeur(s) Année Diamètre (cm) Masse (kg) Note

1

N.C. Pierre Guillemin 1756 206,5 ~5’300

SOL 2

2

N.C. Pierre Guillemin 1756 186 ~3’800

LA 2

3

Sophie Farnier-Bulteaux 1874 162,5 2’700

SI 2

4

Florence Farnier-Bulteaux & fils 1897 147,2 ~2’010 Do 3
5 Lucie Farnier-Bulteaux 1894 131,8 ~1’360

Ré 3

6

Marguerite-Justine Farnier-Bulteaux & fils 1897 117,1 ~1000 Mi 3

7

Claire Farnier-Bulteaux & fils 1897 110,8 ~850 Fa 3

8

Charlotte Farnier-Bulteaux 1877 99,2 ~600

Sol 3

9

Marcelle Farnier-Bulteaux 1877 87,1 ~400 La 3
10 Jeanne Farnier-Bulteaux & fils 1898 82,5 ~350

Si ♭ 3

11

Marie Farnier-Bulteaux 1874 77,7 305 Si 3
12 Victorine Farnier-Bulteaux & fils 1895 73,8 ~250

Do 4

13

Marie-Elisabeth de la Visitation Joseph Granier 1955 62 ~140 Ré 4
14 Thérèse Farnier-Bulteaux & fils 1898 58,4 ~120

Mi 4

15

N.C. Farnier-Bulteaux & fils 1898 54,4 ~95 Fa 4
16 Félicie Farnier-Bulteaux & fils 1899 49 ~70

Sol 4

17

Maurice Farnier-Bulteaux & fils 1899 N.C. N.C.

La 4

18

Gustave

Farnier-Bulteaux & fils

1899

N.C. N.C.

Si 4

19

Charles

Farnier-Bulteaux & fils

1899

N.C. N.C.

Do 5

Les trois bourdons se partagent la tour nord… :


… et les 16 autres, la tour sud. :

J’adresse mes sincères remerciements à M. Dominique Péridont, diacre de la paroisse cathédrale et membre de l' »ACCV » et à travers lui toute la communauté paroissiale et diocésaine sous l’épiscopat de Mgr Gushing et les mandats successifs des pères Lair et Monnier.
Je remercie l’Association Culturelle de la Cathédrale de Verdun (ACCV), Thierry Simonet, organiste, ainsi que la Direction Départementale de l’Architecte des Bâtiments de France, représentée par Mme Coral Trévin.
Je remercie aussi M. Alexandre Jaquemin, représentant territorial de la maison Bodet pour l’aide technique apportée (programmation et réparations).
Je ne peux pas oublier mes chers amis pour l’aide indispensable… tout d’abord Claude-Michaël « Quasimodo » Mevs, Dominique « Valdom68 » Fatton, Philippe « Senonais » Simonnet, Allan « Le Sonneur Comtois » Picelli et Aurélien Surugues, dernier arrivé dans notre équipe de choc ! Pour les données techniques et les archives, il me revient de citer deux campanologues : le Dr. Matthias Walter, de Berne, et Me Pascal Krafft, de Ferrette.

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