Val-Cenis – Eglise Saint-Etienne (Sollières)

Installée de part et d’autre de la rivière Arc qui creuse depuis des millénaires la vallée de la Maurienne, la paroisse de Sollières s’organise autour de son église Saint-Etienne. D’abord liée administrativement avec celle de Saint-Laurent de Sardières, elle se retrouve aujourd’hui dans une vaste commune nommée Val-Cenis qui englobe d’autres villages en amont et en aval. Le nom Val-Cenis fait évidemment référence au col du Mont-Cenis, trait d’union entre la France et l’Italie et très emprunté avant que le tunnel du Fréjus voit le jour. Percé à Modane, plus en amont, il a malheureusement condamné la haute Maurienne à beaucoup plus de ruralité. Les amateurs de jolis paysages n’en seront pas mécontent, tant la route qui remonte la vallée offre à chaque virage de somptueux paysages dignes d’une carte postale avec de jolis villages typiques, le clou du spectacle étant celui de Bonneval-sur-Arc, qui figure d’ailleurs dans la liste des plus beaux villages de France.

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L’église Saint-Etienne de Sollières a été construite dans un style baroque typique des vallées savoyardes. Ou plutôt reconstruite : en 1817, un éboulement endommage sérieusement l’église qui ne se trouvait pas à son emplacement actuel. Il est donc décidé de la reconstruire et de la déplacer de 200 mètres en amont pour qu’elle soit à l’abri de tout danger naturel : isolé des éboulement et en hauteur de l’Arc pour éviter une crue dévastatrice. Mais cette décision n’a pas été prise sans un long et âpre débat qui a divisé les habitants durant huit années ! Par miracle, certains éléments majeurs de l’église ont été épargnés et réutilisés comme les retables ou encore le baptistère portant la date (approximative) de 1525. L’entrée de l’église peut laisser perplexe : on y pénètre par un vestibule doté de deux entrées latérales, et non par la façade principale ! Ce dernier protège l’église des intempéries et du froid. D’autres personnes raconteront volontiers que les deux entrées de l’église permettaient d’éviter les querelles entre les gens de « Sollières endroit » et ceux de « Sollières envers », une querelle de clochers… autour du même ! C’est aussi la raison qui justifie que le cimetière fasse le tour de l’église avec, là encore, deux entrées opposées. 

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Le clocher, parlons en sans évoquer de querelles cette fois, est encore l’un des rares encore sonnés à la corde dans la région. Il se dit d’ailleurs qu’il y a quelques décennies, elles avaient été électrifiées… au grand dam des habitants ! Le système étant défectueux d’emblée, il aurait été démonté aussitôt ! Réalité, ou alors médisances des habitants farouchement opposés à la fée électricité dans son clocher ? Quoi qu’il en soit, les quatre vénérables dames de bronze sont accrochées sur un beffroi en bois et donnent chacune dans une baie, contemplant chacune des maisons de la paroisse. Elles sont surmontées d’une élégante flèche en pièce cernée par quatre pinacles, architecture courante dans le haut de la vallée. Sous elles, le fin observateur notera que chaque face possède une baie identique mais obstruée : décoration, ou bien indice d’un clocher surélevé pour que sa voix porte plus loin ? Aucune certitude, mais l’hypothèse est là. Au niveau de l’histoire campanaire, les doutes sont aussi présents : les quatre cloches ont été fondues entre 1829 et 1883 par la fonderie Paccard, d’abord à Quintal puis à Annecy-le-Vieux. Les deux plus petites sont les plus anciennes. Elles ont été commandées alors que l’église venait d’être reconstruite : les anciennes ont-elles péries dans l’éboulement ? Ces deux cloches portent la griffe de Claude Paccard et la date du 20 août 1829. Le lieu de fonte est aussi indiqué : Quintal, en Haute-Savoie. C’est dans cette commune que le père de Claude, Antoine, y installe un four dès 1796, année de fondation de l’entreprise encore active aujourd’hui. Sur la plus petite figure la même signature. Mais un détail interpelle : un petit blason circulaire avec une cloche. Elle est entourée par l’inscription circulaire « Paccard fondeur à Quintal ». Sur la cloche du blason, il est inscrit « Jean Paccar ». Il peut s’agir de deux personnes : Jean-Pierre Paccard, frère cadet de Claude, lui aussi fondeur (son nom apparaîtra sur les cloches au côté de Claude dès le début des années 1830) ou alors Jean Paccard, un autre frère de Claude. Il sera d’ailleurs directeur des forges de Giez puis de Cran. Elles appartenaient à Louis Frèrejean, entrepreneur lyonnais. A noter que Claude Paccard a signé comme « fondeur de Mr Louis Frèrejean » sur une partie des cloches livrées durant la décennie 1820. Ajoutons enfin que le même jour (20 août 1829), Claude Paccard réalise l’actuel « petit bourdon » de l’église Saint-Jean-Baptiste de Megève (Haute-Savoie) qui est quant à lui signé « Claude Paccard fondeur de Mr Louis Frèrejean » ! Les deux petites cloches de Sollières ont pour maxime « Sit nom Domini benedictum » c’est à dire « Bénit soit le nom du Seigneur » alors que la plus grande, livrée en 1856, invoque le patron de la paroisse, saint Etienne, fêté le 26 décembre. Elle ajoute la phrase suivante « de la religion sonore monument raisonne pour les morts convoque les vivants ». La seconde cloche, la plus jeune, tire sa maxime du livre des proverbes « Vox mea ad filios hominum » (« Ma voix d’adresse aux enfants des hommes » Prov 8, 4).

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

St Etienne

Frères Paccard

1856

111

~800

Fa3

2

G&F Paccard

1883

100,2

~600

Sol3

3

Claude Paccard

1829

81

~300

La3

4

Claude Paccard

1829

75,8

~220

Do4

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Ils s’appellent Nathan, Timo ou encore Victor. Natifs de Sollières et des villages voisins d’Aussois et Bramans, ces jeunes qui ont la vingtaine se relaient ou s’associent au gré des fêtes pour carillonner sur les cloches et assistent Bernard, devenu il y a plusieurs années le carillonneur de Sollières. Les mélodies sont variées : l’Ane de Saint-Antoine, composition d’un ancien carillonneur du clocher, ou encore une adaptation de l’Ave Maria, l’Eau Vive… Tant de mélodies joyeuses qui rappellent au village que le jour vécu est festif. Les réjouissances ne s’achèvent jamais sans lancer une volée après le carillon. Les quatre cloches se balancent donc avec entrain ! Parfois même, la grande volée peut laisser place au glas. C’est ce qu’il c’est passé le 31 décembre 2022 : alors que les carillonneurs saluaient l’année 2022 pour la saint Sylvestre, voilà que l’on apprend le décès de Benoit XVI, pape de 2005 à 2013. Pour l’occasion, seule la grosse cloche c’était mise en branle ce jour là, comme il est de coutume pour un défunt. Une exception pour montrer que les cloches ont elle aussi une âme et continuent à être de véritables messagères, même si elles ne sonnent pas chaque demi-heure comme les villages voisins. Puissent elles encore longtemps être actionnées par l’énergie d’une poignée de jeunes passionnés par leurs traditions vivantes ! 

Mes remerciements à :

  • M. Bernard Pinot, carillonneur de l’église, pour son accueil.
  • M. Yvan Caporizzo, chancelier des diocèses de Chambéry, Maurienne et Tarentaise, pour l’organisation du rendez-vous
  • MM. Bois, Favre et Fraysse, jeunes carillonneurs, pour l’interprétation des mélodies
  • Mes amis Claude-Michaël Mevs « Quasimodo » et Loris Rabier « Les Cloches Mauriennaises » pour l’aide apportée à la réalisation de ce reportage.

Sources & Liens :
Sollières-Sardières
Relevé personnel
Clichés personnels

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