Avez-vous déjà entendu parler de la varappe ? Le nom de ce sport où nous devons escalader le couloir rocheux d’une montagne tire ses origines de Collonges-sous-Salève ! Nous sommes à mille lieues de l’art campanaire, j’en conviens, mais il est important de notifier ceci alors que je m’apprête à présenter une petite commune frontalière en Haute-Savoie et qui accueille aujourd’hui énormément de frontaliers parmi ses habitants. La commune de Collonges-sous-Salève a également partagé une histoire commune avec sa voisine d’Archamps, tantôt une seule entité spirituelle et/ou administrative. Collonges-sous-Salève peut donc s’émouvoir de posséder, sur sa commune, le couloir dit « de la Grande Varappe » qui donnera donc progressivement ce nom à un sport, même si aujourd’hui ce nom commun est délaissé pour simplement parler d’escalade, que ce soit sur un mur, dans un gymnase, ou grandeur nature. Est-ce la seule fierté de Collonges ? Non ! Que l’on aime ou pas la musique classique, nous avons tous entendu une fois un air de Guiseppe Verdi (1813 – 1901) quelque part… Le rapport avec Collonges est simple : c’est dans l’église que Verdi a épousé en secondes noces Giuseppina Strepponi. Alors qu’il était dans ses grandes heures, il dû l’épouser en secret dans une paroisse qu’il n’aura fréquenté qu’un seul jour de sa vie. Les témoins ? Le cocher qui les a emmené à Collonges depuis Genève (ville qui a refusé de les marier!) et le sonneur de cloches de Collonges. Le célébrant ? L’abbé Gaspard Mermillod, futur cardinal, alors curé de Notre-Dame de Genève. Une plaque contre l’église avec son buste permettent de se rappeler ce moment presque clandestin d’une personne pourtant si célèbre.
L’église Saint-Martin de Collonges, parlons en, est malheureusement très peu documentée. Le fin clocher qui a été entièrement restauré en 2013 serait antérieur à l’église actuelle, reconstruite entre 1850 et 1851 dans un style néogothique, sans doute la première en Pays de Savoie. Les plans sont de Jean-Marie Gignoux, auteur de l’église Saint-André d’Annemasse ou encore de la Basilique Notre-Dame de Genève. De manière antérieure, on sait qu’une ancienne église fut consacrée en 1480 et que le 13 juin 1671, un maître-autel fut consacré, quelques jours après la consécration des autels de l’église voisine d’Archamps. L’église de Collonges reprend la forme d’une croix latine, chose qui ne faisait absolument pas l’unanimité à l’époque alors que la vogue était aux églises néoclassiques sardes avec un plan basilical. On raconte aussi qu’après les travaux et la consécration du monument le 9 mai 1852 par l’évêque d’Annecy Mgr Rendu, il restait 19 782 livres à payer à l’entrepreneur, François Faletti. Ce dernier fut contraint de menacer la commune de sévères poursuites pour que cette dernière solde cette dépense avec un don du curé, plusieurs emprunts et des corvées des habitants. L’aménagement intérieur, dont le charmant chemin de croix et les autels latéraux dédiés à la Vierge et à saint Joseph, n’est malheureusement pas précisé dans le détail.
Nous sommes en 2013. Collonges connait alors une drôle d’époque : son clocher est amputé de sa flèche ! Cette dernière, dans un état très dégradé, menaçait tout simplement ruine. Au delà de ce travail spectaculaire, la municipalité va plus loin et pilote en fait un vaste chantier : redonner une jeunesse à l’extérieur de toute l’église et de son clocher. Mais pour ce dernier, le bilan s’avère lourd : le poids des âges et des cloches le fragilise ! A l’intérieur de celui-ci, tout est repris. Les murs ont été doublés par du béton armé, voire parfois complètement repris. Dans les 4 coins de la chambre des cloches, on coule des piliers de béton pour soutenir les murs séculaires. Mais ces aménagements posent un grave problème : les cloches ne peuvent plus se balancer correctement. Pour que l’église retrouve sa voix, un nouveau beffroi est commandé aux ateliers Paccard. Jadis côte à côte, les deux cloches seront dorénavant l’une sur l’autre afin d’être toutes les deux au centre de la tour. On se rendra d’ailleurs compte que lors de la volée, la grosse cloche passe à quelques centimètres seulement des baies géminées, munies d’abat-sons et de grillages anti volatiles. Evidemment, une nouvelle flèche à l’identique fut réalisée et déposée au sommet du clocher afin de lui redonner son allure !
Mais du côté des cloches, qui sont-elles ? Une chose est certaine, elle n’ont pas pu sonner le mariage de Guiseppe Verdi car elles sont postérieures. Elles sont signées toute deux par les célèbres fondeurs Paccard d’Annecy-le-Vieux. La plus grosse porte les noms de « Marie Philippine Pierrette » et a été coulée le 19 septembre 1860, en même temps que les cloches de Boëge ou encore celle de Montailleur. D’un poids de 808 kilos exactement, elle remplace une cloche plus ancienne et fêlée, qui ne pesait que 554 kilos. La petite cloche, fondue en 1886, porte les noms de « Françoise Berthe Louise Joséphine Claudine » et loue un culte à la sainte Trinité, à la Vierge Immaculée et à saint Martin, patron de la paroisse. Des anciennes cloches, nous ne savons rien sinon le poids de l’ancienne grosse cloche mentionné plus haut. Des « cloches » sont simplement évoquées dans les registres du casuel (baptêmes mariages sépultures) de 1763-1787. Une annexe présente les différents travaux du clocher et fait mention de travaux sur le « plancher des cloches » mais aussi que le clocher était déjà fermé à clé pour « éviter aux enfants d’aller y faire [des] extravagances » sans préciser d’autres choses dans le domaine campanaire…
N° |
Nom |
Fondeur |
Année |
Diamètre (cm) |
Masse (kg) |
Note |
1 |
Marie Philippine Pierrette |
Paccard frères |
1860 |
109,7 |
808 |
Fa 3 |
2 |
Françoise Berthe Louise Joséphine Claudine |
G&F Paccard |
1886 |
87,5 |
~400 |
La 3 |
Mes remerciements à :
Mme Annie Pérréard, sacristine, pour l’ouverture des lieux et les sonneries.
M. Michel Brand, pour l’organisation de la visite.
M. Pierre Paccard, ancien directeur de la fonderie éponyme, pour la mise à disposition du cahier de fonte (1860).
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’aide apportée.
Sources et liens :
Association Arcofi
Paroisse Saints-Pierre-et-Paul en Genevois
Archives départementales de Haute-Savoie : Registre des baptêmes 1763-1787 / Actes de Mariages 1859
Fonderie Paccard : Cahier de fonte de l’année 1859
Relevé sur site
Fonds privés