Armoy – Eglise Saint-Pierre

Une commune scindée en deux
A quelques encablures de la capitale du Chablais, Thonon-les-Bains, et faisant face au plateau de Gavot que la Dranse sépare, le village d’Armoy s’est développé autour de la départementale 26 qui mène vers la vallée du Brevon incluant les villages de Vailly, Lullin ou encore Bellevaux. Le village d’Armoy tirerait ses origines d’un ancien domaine gallo-romain ayant appartenu à un certain « Annonius » sans que cela soit attesté. Mais le nom de la commune à fortement évolué : Annone, Armury, Armoy et même Armoyliaud. Il convient de préciser que la commune voisine, Le Lyaud, dépendait jusqu’au milieu du XIXème siècle tant pour le religieux que l’administratif d’Armoy avant une séparation définitive en 1870. Armoy fut aussi réputé pour sa plâtrière à ciel ouvert active de 1844 à 1934. Forte de 100 ouvriers, elle était alors la plus importante de France lors de son apogée.

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Un lieu de culte à l’architecture plurielle
L’église Saint-Pierre d’Armoy se distingue par son aspect extérieur exclusivement fait de pierres apparentes, issu d’une restauration relativement récente. Cet édifice dédié au premier pape de la chrétienté et apôtre de Jésus remonterait au XIème siècle. Il est difficile de retracer avec précision son histoire mais plusieurs éléments permettent de mieux comprendre le lieu de culte : son chevet, non daté, en serait la partie primitive. Sous le bâtiment, une crypte du XIIIème siècle a été redécouverte en 1977 mais non étudiée. Un bénitier dans l’édifice mentionne la date de 1699. Le clocher porte la date de 1815 et la nef a été victime d’un incendie en 1888. Au XXème siècle, le célèbre architecte thononais Maurice Novarina a imposé dans l’église son style avec un baptistère devant l’autel latéral droit. Autant d’éléments dispersés dans le temps qui permettent d’affirmer que le sanctuaire est riche en réemplois et qu’il n’a jamais été déplacé voire entièrement rasé en vue d’une nouvelle construction. Dans l’histoire de la paroisse, il est bon de préciser qu’elle fut unie au chapitre de la cathédrale de Genève en 1494 et que durant ce siècle, une grande querelle opposa les paroissiens à ceux de Féternes au sujet d’une coupe de bois entre l’église d’Armoy et la Dranse, de quoi entretenir pendant longtemps les guerres de clochers ! 

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Une cloche flâneuse
Dans le petit clocher porche se balancent trois cloches, issues de trois fondeurs et de trois générations différentes. Presque un siècle sépare la plus jeune de la doyenne. Nous commencerons d’ailleurs par présenter cette noble dame de bronze. Son histoire commence dès 1777 à plus de 50 kilomètres. La paroisse d’Arâches, en Faucigny, souhaite se procurer de nouvelles cloches et mandatent des fondeurs de Thonon. En 1778, trois cloches de 4, 6 et 16 quintaux sont réalisées pour cette même paroisse. Le 20 novembre 1793, deux cloches d’Arâches sont transférées à Cluses avant d’être conduites à Bonneville. Le 13 février suivant, une troisième cloche prit le même chemin. Très peu de cloches ont été cassées lors de la Terreur et dès les premières clairières, on allait récupérer des cloches plus grosses dans les différents dépôts (Annecy et Bonneville). C’est ainsi qu’Armoy parvint à récupérer la cloche d’Arâches pesant six quintaux et dédiée à saint François de Sales ! Les lecteurs assidus de ce site ne manqueront pas d’avoir une sensation de déjà vu : de nombreuses cloches se sont promenées à cette époque avec une histoire similaire, comme par exemple de Cluses à Margencel. La cloche d’Arâches n’est malheureusement pas signée mais ces décors et le lieu de résidence des fondeurs laissent penser qu’il s’agit de membres de la dynastie Livremont, originaires du Doubs (25), et en particulier Jean-Claude, fondeur prolifique dans la région lors de la seconde moitié du XVIIIème siècle. En 1822, les autorités d’Armoy et du Lyaud commandent une cloche plus grosse grâce à une vente de communaux. Cette fois-ci, on confie la fonte à Louis Gautier, fondeur briançonnais établi à l’Hôpital (aujourd’hui Albertville) à l’entrée de la vallée de la Tarentaise. Pour compléter la sonnerie trop pauvre à son goût, l’abbé Bequet, curé de la paroisse, offre à ses frais une troisième cloche. Il profite que l’entreprise Paccard installe la grosse cloche de Thonon pour les faire venir à Armoy. Ils préconisent donc l’ajout d’une petite cloche de 155 kilos environ pour compléter joyeusement la sonnerie. Fondue à la fin de l’année 1872, elle est arrivée le 21 février 1873 à l’église avec un poids de 156,5 kilos ! Le dimanche 26, elle fut bénie par l’archiprêtre de Thonon avec l’assentiment de Monseigneur l’évêque d’Annecy. Son installation a été aux frais du généreux curé qui déplore dans ses notes que la commune est restée stoïque. Il y a tout juste une décennie, le beffroi a été entièrement remplacé car l’ancien menaçait ruine et mettait en péril tout le clocher. Nous sommes donc repartis pour des décennies sinon des siècles de bons et loyaux services !

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

non connu

Louis Gautier

1822

102

~600

Sol 3

2

St François de Sales

Jean-Claude Livremont ?

1778

82,8

~325

Si♭3

3

Jeanne

Paccard frères

1872

64

156

Mi♭4

 

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Mes remerciements à :
M. le Maire Patrick Bernard pour son aimable autorisation et son accueil.
Mme Marie-France Planchamp pour son accueil et sa disponibilité.
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’aide apportée.

Sources & Liens :
Armoy
Armoy-Le Lyaud
Courrier du père Bequet à Mgr Magnin – 1873
« Etat de la Paroisse d’Armoy par son curé (1867-1877) » conservé aux archives diocésaines d’Annecy
Relevé et clichés personnels

Un avis sur “Armoy – Eglise Saint-Pierre

  1. Tant d’émotion à chaque fois, surtout ces cloches de ma Haute-Savoie natale. Merci.

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