Cluses – Eglise Saint-Nicolas

Considérée comme l’une des capitales de la province savoyarde du Faucigny, Cluses est aujourd’hui une des grandes communes du département haut-savoyard : elle compte plus de 17’000 habitants. Cluses est aussi un lieu qui a fait l’histoire. On ne parlera pas là des sports d’hiver ou du domaine de la montagne mais plutôt de domaines industriels. Si la vallée de l’Arve est considérée comme « capitale du décolletage » (industrie usinant des pièces de révolution), Cluses en est le poumon. La cité est aussi réputée pour son passif horloger : dès le XVIIIème siècle, l’agriculture se retrouve chamboulée par ce nouveau métier, à tel point qu’en 1848 est créé l’école nationale d’horlogerie, aujourd’hui lycée Charles Poncet et surnommé « l’Horlo » par ses élèves. A cette date pourtant, la cité clusienne ne comptait que deux milliers d’habitants. D’anciennes photographies montrent une plaine vide, avec quelques communes bien distinctes. Aujourd’hui, elles se sont comme rapprochées, offrant un pôle urbain et industriel non négligeable pour la vallée.

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L’actuelle église Saint-Nicolas n’a jamais été destinée à recevoir les prières de la paroisse de Cluses. Bâtie pour la communauté franciscaine, elle a été consacrée en 1485. Elle faisait suite à une bulle papale de 1471 autorisant l’installation des religieux dans la ville. Cet édifice était alors à l’écart du bourg. La paroisse avait sa propre église plus proche de l’Arve. La création de la paroisse remonterait au VIIIème siècle, sans grandes certitudes. Le plus ancien curé est mentionné en 1247. L’église paroissiale, toujours debout, a été reconstruite entre 1733 et 1736. A la Révolution, le couvent est fermé et pillé. Le sanctuaire devient un dépôt et les bâtiments conventuels abriteront plus tard l’administration communale. L’église paroissiale retrouvera ses fidèles une fois la Terreur terminée mais pour un temps seulement. En 1844, un incendie détruit le bourg. L’église sera partiellement détruite mais le couvent, en marge du bourg, intact. Les paroissiens choisissent alors de déplacer leur église. Voilà que celle des cordeliers retrouve sa vocation première en 1847, non sans quelques rafraichissements. L’ancienne église sera vendue en 1888 à un horloger avant de perdre son clocher au début du XXème siècle. Elle existe toujours aujourd’hui et sert encore d’entrepôt. Pour la « nouvelle » église Saint-Nicolas, d’autres travaux seront menés au cours du XXème siècle : le clocher sera réhaussé (on en reparlera avec les cloches) mais une grande partie des bâtiments conventuels sont rasés, permettant la construction de l’actuelle mairie, inaugurée en 1903. Dans les années 1960, l’architecte Maurice Novarina sera chargé de repenser la décoration intérieure dans l’esprit du concile Vatican II demandant d’épurer la décoration intérieure des églises. Parmi les pièces remarquables encore présents dans le sanctuaire, on s’attardera sur le magnifique bénitier et de ses sculptures soignées ainsi que sur les fonds baptismaux, rescapés de la Révolution. 

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Qui dit horloges, dit cloches. Pour raconter exhaustivement l’histoire campanaire de Cluses, il faudrait écrire un véritable roman ! Vous l’avez compris, la communauté paroissiale de Cluses s’est déplacée d’une église à l’autre. Dans ce qui est aujourd’hui l’ancien sanctuaire, des cloches sont mentionnées au XVème siècle déjà, lors d’une visite pastorale. On raconte aussi qu’à la Fête-Dieu 1618, elles ont aussi sonné pour les victoires du Duc de Savoie sur la frontière italienne. Le 30 octobre 1735, on réinstalle des cloches dans le clocher de l’église reconstruit. En 1772, il est à nouveau au centre des discussions : il doit être réhaussé. Louis Léonard de Morteau et Mathis Riguelte réalisent quatre nouvelles cloches. Une cinquième, plus ancienne, est conservée. Cependant, voilà que vingt ans après les cloches doivent être descendues. A l’église paroissiale, on en descend quatre pour en laisser une cinquième dans la tour. Plus tard, sa descente sera aussi discutée, mais jamais ordonnée. Au couvent des Cordeliers, on descend les cinq avant de décapiter le clocher. Toutes ces cloches sont emmenées à Bonneville dans le but d’être cassées. La résistance fut telle qu’une partie d’entre elles sera préservée. A la première clairière, certaines sont revendues pour des paroisses qui se retrouvent sans cloches. C’est ainsi qu’encore aujourd’hui, le clocher de Margencel, près de Thonon-les-Bains, se retrouve doté d’une des cloches fondues pour Cluses en 1772. 

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Au XIXème siècle, le clocher de l’église paroissiale, seul élément sonore, conserve un témoin de l’Ancien Régime et pas des moindres : une cloche de 1685. Comme indiqué plus haut, celle-ci n’a jamais été descendue. Ses origines sont mystérieuses : elle porte sur son flanc des inscriptions indiquant qu’elle a été fondue pour la ville suisse de Nyon, distante de 85 kilomètres ! Comment expliquer son arrivée à Cluses ? Nul ne sait. En 1840 et 1841, elle est rejointe par deux cloches fondues par les frères Paccard : d’abord une plus grosse, puis une plus petite. La fonderie avait déjà collaboré avec la ville en 1832 pour la fonte d’une cloche de 30 kilos au Collège Royal, aujourd’hui disparu. Pour celles de l’église, les frères Bulliod avaient manifestés leur intérêt : en témoigne des échanges avec l’intendant du Faucigny. S’ils n’ont pas réussis à travailler pour Cluses, ils ont néanmoins collaborés avec deux paroisses limitrophes : Scionzier (1 cloche, 1844) et Arâches (5 cloches, 1840). Le lendemain de l’incendie de 1844, les cloches sonnent toujours pour l’angélus matinal. Cluses est soulagé : elles sont intactes ! A la Fête-Dieu 1887, la grosse cloche de 1840 sonne creux : elle est déjà fêlée. En 1892, la génération suivante des Paccard livre une nouvelle grosse cloche, à la fois qualitative par sa puissance sonore que par la finition de ses décors. Entre 1924 et 1925, les municipalités de Cluses et Nyon correspondent de manière nourrie : la cloche de 1685 semble être fêlée et doit être remplacée. Dans une habile manœuvre, il est proposé que Nyon retrouve sa cloche perdue. La transaction sera faite et la cloche retrouvera ses terres natales. Elle est aujourd’hui installée au château de Nyon. En lieu et place de cette cloche, Cluses en finance une nouvelle dédiée à sainte Thérèse de Lisieux, canonisée la même année. Pour l’occasion, la sonnerie change de clocher ! En effet, les cloches n’ont pas déménagé avec les fidèles en 1847 car il fallait reconstruire le sommet du clocher de l’ancien couvent. Entre temps, elles sont restées agrippées à l’ancienne nef de la première église Saint-Nicolas. Le tour d’horizon ne serait pas complet si on omet de citer la quatrième cloche de l’église. Située dans le clocheton du chœur, cette dernière est aujourd’hui muette car non électrifiée. Les archives sont muettes quant à son achat et son accès est impossible sans déployer d’importants moyens pour notre sécurité. En photographiant la cloche du plancher des vaches, on arrive néanmoins à contempler une Vierge et un Calvaire typiques des ateliers Paccard du XIXème siècle.

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Sts Nicolas & François

G&F Paccard

1892

153,4

2’150

Do3

2

Ste Thérèse de Lisieux

Les Fils de G. Paccard

1925

119

1’000

Mi3

3

Ste Vierge

Frères Paccard

1841

101,3

625

Sol3

4

Inconnu

Paccard ?

XIXe

~63

~150

Ré♯4

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Mes remerciements à :
M. Jean-Philippe Mas, maire de Cluses, pour son aimable autorisation.
M. Pierre Gallay, adjoint au maire, pour son accompagnement au clocher.
Mme Laure Ispri-Oldoni, conseillère déléguée au patrimoine, pour les démarches et l’accompagnement au clocher.
M. l’Abbé Alexandre Dinety, curé de la paroisse, pour l’accompagnement au clocher et les sonneries exceptionnelles hors célébrations.
Mme Florence Poirier, directrice du musée de l’horlogerie et des archives municipales, pour l’ouverture des archives et l’aide apportée.
M. Olivier Ayet, chef de cabinet de Monsieur le Maire, pour les démarches auprès des différents élus et services.
Mon ami Claude-Michael Mevs dit « Quasimodo » pour l’aide à la réalisation de ce reportage et les moments d’amitié.

Sources & Liens :
Mairie de Cluses
Paroisse Saint-Bruno en Vallée d’Arve
Archives municipales de Cluses
Mémoires & documents publiés par l’Académie Salésienne, Tomes XI (1888) et XII (1889)
Clichés personnels (sauf mentionné)
Relevé personnel

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