Véritable balcon sur la Vallée de l’Arve, la commune d’Arâches-la-Frasse prospère depuis plus d’un demi-siècle grâce au célèbre domaine skiable du « Grand Massif » dont elle fait doublement partie intégrante avec le hameau des Carroz et une partie de Flaine ! Au 1er janvier 1973, Arâches absorbe la commune voisine de la Frasse alors que les stations se développaient en parallèle. Cependant, il faudra attendre l’an 2000 pour que les autorités ajoutent l’ancienne localité dans son nom pour devenir Arâches-la-Frasse. Mais s’il faut raconter l’histoire du lieu sur douze heures, le tourisme n’est arrivé qu’à midi moins cinq ! La commune a pendant très longtemps bénéficié de l’agriculture et de l’horlogerie ! Dès le XVIIIème siècle, le secteur était réputé pour ses jeunes talents qui n’ont pas hésité à déménager pour exercer leur art, par exemple à Genève, la Chaux-de-Fonds en Suisse ou encore à Vienne, en Autriche. Mais ils n’ont jamais oublié leur pays aujourd’hui plein de richesses grâce à leurs dons généreux.
Il semble qu’il y a un millénaire, la paroisse d’Arâches dépendait de Magland. Les archives ne sont pas certaines, mais il semblerait que ces terres étaient depuis longtemps utilisées par les maglanchards ou alors par les habitants de Saint-Sigismond, les « matondus ». C’est en tout cas vers 1200 qu’Arâches s’émancipe et une première église est bâtie en 1222. Le clocher d’alors possédait cette date parfaitement gravée dans sa croix sommitale. On présage que l’église était fort modeste puisqu’au XVe siècle, Arâches comptait à peine 200 habitants. Au fil des siècles et de l’accroissement de la population, diverses chapelles agrandissent l’église et ce jusqu’au XVIIIe siècle où le curé Jean de Lucinges entreprend de construire un tout nouveau sanctuaire pour la paroisse. Ces travaux, achevés en 1725, ont donné à l’église une allure unique puisque le presbytère fait partie intégrante du bâtiment. Ce chantier a pu être finalisé avec les dons des émigrés de la commune en Allemagne ou encore à Vienne. Ils ont aussi fait fabriquer dans cette même ville le retable principal évoquant la descente de l’Esprit Saint, au dépit du saint patron de l’église, saint Michel. Le 6 octobre 1765, Mgr Biord, évêque de Genève, consacre l’église à saint Michel avec deux autel latéraux dédiés au Rosaire, à saint Jean-Baptiste et à saint François de Sales. Ce dernier a visité l’église en 1606 en tant qu’évêque du lieu. L’église a été particulièrement dépouillée à la Révolution mais elle a promptement retrouvé de sa superbe car, en 1827, l’évêque souligne dans sa visite pastorale que l’église est bien entretenue. Tout récemment, la mérule a été détectée dans l’église : des bancs ont hélas dû être brûlés ainsi que les confessionnaux, totalement envahis par le champignon destructeur. Par chance, les stalles et les retables sont intacts.
En 1777, un état des lieux de la sonnerie d’Arâches est donné : trois cloches de 12 quintaux, 460 et 175 livres. L’année suivante, un don de Pierre-François Passy permet de fondre trois nouvelles cloches de 4, 6 et 16 quintaux pour remplacer les deux petites. Des fondeurs de Thonon ont été mandaté mais ils ont dû refaire les cloches, la première coulée n’ayant pas été concluante. Le 20 novembre 1793, la Révolution bat son plein : deux cloches sont envoyées à Cluses avec la cloche de la chapelle de Pernant. Le 15 janvier 1794, une pétition circule pour qu’Arâches conserve deux cloches au clocher. Mais la réponse est sans appel : une des deux cloches doit être envoyée à son tour à Cluses. Ce sera chose faite dès le 17 février. Quoi qu’il arrive, une des cloches d’Armoy, près de Thonon-les-Bains, possède aujourd’hui la cloche de six quintaux fondue pour Arâches en 1778. Cette cloche arbore encore une dédicace à saint François de Sales ainsi que son parrain et sa marraine, Claude et Marie Ducrue. Non signée, elle possède néanmoins des décors identifiant les fondeurs Livremont de Pontarlier. Certains membres de la famille se sont installées à Thonon durant la seconde moitié du XVIIIème siècle.
Nous retrouvons nos archives campanaires vers 1840. Là encore, des dons affluent pour offrir un Arâches, 400 habitants, un véritable « carillon » à en croire les archives. C’est le cas d’un autre Ducrue, Pierre-François, qui envoie 2’800 francs depuis Munich. G. Bartelozon, qui a porté le titre de « comte d’Arâches » a également offert une somme considérable pour une nouvelle sonnerie. Quatre cloches sont donc prévues et commandées aux frères Bulliod de Carouge. Mais la Confrérie du Saint-Sacrement va profiter de l’occasion pour avoir une cloche dédiée à leur usage. Cette dernière, en marge du carillon, est également offerte par un couple de bienfaiteurs, mais cette fois du village. La sonnerie de cinq cloches est donc bénie pour la saint Michel, le 29 septembre 1840, sous le mandat de l’abbé Marullaz. Chaque cloche ne porte pas un nom, mais rend hommage à un saint : Michel, pour la plus grosse ; la Vierge pour la seconde ; François de Sales pour la troisième (comme la cloche exilée) ; Pierre pour la quatrième et le Saint-Sacrement pour la petite. Les cloches sont remarquablement ornées de feuillages, qui semblent être la signature des frères fondeurs qui ont pris la suite, au début des années 1830, de Jean-Baptiste Pitton. Mais la ligne nominale de la sonnerie étonne. Lorsqu’on l’écoute, on se rend bien compte que la seconde et la quatrième cloche ne vont pas ensemble lors de la grande volée. Quel accord était vraiment prévu par les autorités et les fondeurs ? Il convient toutefois de préciser que cette sonnerie est -à notre connaissance- la seule complète qui subsiste de ce fondeur. En 1842, ils ont réalisé une sonnerie de trois cloches pour l’église de Pers-Jussy mais en 1946, la grosse cloche a dû être remplacée. Dans beaucoup de cas, malheureusement trop pour apprécier correctement leur travail, les fondeurs se sont bornés à compléter des sonneries où alors ils ont vu, malgré eux, leur cloches être ultérieurement remplacées.
N° | Nom | Diamètre (cm) | Masse (kg) |
Note |
1 |
St Michel | 130,5 | ~1’350 | Ré♯3 |
2 | Ste Vierge | 111,3 | ~800 |
Fa♯3 |
3 |
St François de Sales | 96,1 | ~550 | Sol♯3 |
4 | St Pierre | 80 | ~325 |
Si♯3 |
5 |
St Sacrement | 54 | ~95 | Fa♯4 |
Bulliod frères fondeurs à Carouge – 1840 |
Mes remerciements à :
La municipalité d’Arâches-la-Frasse, sous le mandat de M. Jean-Paul Constant, maire.
Mme Nathalie Lacraz, responsable du centre culturel des Carroz.
La paroisse Saint-Bruno en Vallée d’Arve et Mme Michèle Ronchietto, sacristine.
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’amitié et l’aide apportée au reportage.
La municipalité d’Armoy, son maire, et la responsable de l’église pour l’accès au clocher.
Sources & Liens :
Mairie d’Arâches-la-Frasse
Centre culturel des Carroz
Paroisse Saint-Bruno en Vallée d’Arve
Mémoires et documents de l’Académie Salésienne, 1884
Clichés et relevés personnels
Fonds privés