Beaumont – Eglise Saint-Etienne

Beaumont. En prononçant ce nom de village, nous pouvons faire référence à quantité de communes : en Ardèche, en Corrèze, dans le Gers ou encore dans l’Yonne… ! Chaque région de France, ou presque, possède son, voire ses « Beaumont » ! Nous pourrions probablement être très pragmatiques et penser que le nom de la commune fait référence à une belle montagne, peut-être le Salève. En effet, la commune est adossée contre ses pentes et se trouve juste en dessous du « Grand Piton » considéré comme son point culminant (1’379 mètres). Beaumont est en fait le fruit de la fusion de trois anciennes communes civiles : Beaumont, Jussy et le Châble qui se partageaient la même paroisse. Le Châble prit néanmoins une grande importance, si bien qu’aujourd’hui, la commune se trouve comme scindée en deux, organisées soit autour de l’église (Beaumont et Jussy) ou autour de la mairie, de son école et de nombreux commerces (le Châble). Il est à noter que dans les années 1960, le Châble prit même la peine de se bâtir son propre lieu de culte mais ce dernier à malheureusement été démoli il y a quelques années déjà.

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Le passé historique de Beaumont remonte à fort longtemps. Dédiée à saint Etienne, premier des martyrs, la paroisse affirme avec ce vocable son ancienneté. Une église serait présente depuis le Vème siècle au moins. Des familles nobles se sont intéressées à Beaumont au cours de son histoire. Ce fut le cas de la famille de Menthon et de la famille de Châtillon du Chablais qui y possédaient tous deux un château. Ces seigneurs ont fondé des chapelles dans l’église : l’une dédiée à saint Sébastien et l’autre à la Vierge. Près de l’actuelle sacristie, une pierre arbore encore les armes de la famille de Menthon qui sont arrivés au XIIIème siècle dans la paroisse. En 1774, le clocher doit être reconstruit. Il le sera sur l’emplacement d’une des deux chapelles. Il fut relativement épargné à la Révolution car sa construction était neuve et il n’était pas jugé comme excessivement haut. Dans les années 1840, l’église menace ruine. Elle est donc intégralement reconstruite, ou presque : seul le clocher, plutôt récent, sera conservé. L’édifice religieux sera alors pensé dans le style néoclassique sarde avec dans le chœur une fresque dédiée à la Vierge Marie dessinée dans les années 1950. En 1868, le clocher sera réhaussé car les cloches, au même niveau que la voûte, la faisait trembler lors des volées. A la fin du XXème siècle, le sanctuaire, presque vidé de ses fidèles, menace ruine. Le curé d’alors, Amédée Anthonioz, se lance dans des travaux d’envergure pour rebâtir le monument mais pour aussi remplir les bancs de fidèles. Si l’idée de la restaurer a d’abord provoqué un véritable tollé, de nombreux habitants ou paroissiens y ont mis du sien pour redonner à l’église de sa superbe. Les travaux rondement menés se sont achevés en 1984. Dès lors, toujours grâce à la persévérance de l’homme de foi, l’église possède son propre orgue à tuyau dans une chapelle latérale pour accompagner les offices mais aussi être écouté pour des concerts. 

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L’histoire des cloches de Beaumont, sans doute pluriséculaire, nous parvient à partir du XVIIIème siècle. Avant que le clocher actuel ne soit construit en 1774, il est précisé que les deux cloches étaient posées sur une « chèvre » reposant elle-même sur un mur extérieur de l’édifice. La tour construite, les deux cloches seront installées en son sommet sur un beffroi en bois. En 1790, l’une des deux cloches se fêle. Alors que la Révolution gronde déjà en France et que les Savoyards ne savaient pas que les années suivantes allaient être sombres, Jean-Baptiste Pitton de Carouge est sollicité pour la refonte de cette cloche estimée à 3 quintaux (env. 165 kilos). Cette dernière fut alors alourdie de 1,76 quintal (env. 100 kilos) pour qu’elle puisse porter plus loin. Le 7 mars 1794, alors qu’elle n’est même pas complètement payée, la cloche fait le chemin inverse, cette fois-ci dans le but d’être purement et simplement détruite. Autour du premier janvier 1796, la seconde cloche de Beaumont est envoyée à Carouge également. Son poids est de 6 quintaux. Mais voilà que trois mois après seulement, la commune reçoit un bon… pour récupérer une cloche qui n’a pas encore été cassée… à Bonneville ! Pourquoi Bonneville et non Carouge ? Parce que toutes les cloches du dépôt de Carouge ont été cassées très rapidement après leur réception. Et c’est ainsi que Beaumont retrouve sa voix… de provenance inconnue. En 1802, la cloche est au clocher, mais n’a toujours pas de corde. Le curé Vuarin désire doter la paroisse d’une seconde cloche en 1820. Le travail sera confié à Pitton une seconde fois. En 1822, le paiement est clos grâce à une souscription qui a pu couvrir la dépense. Mais déjà cinq ans plus tard, l’une des deux cloches, peut-être celle récupérée à Bonneville, est déjà fêlée. Ce n’est qu’en 1849 que le conseil s’y intéresse, en expliquant que la dépense n’est pas urgente car la reconstruction de l’église l’était beaucoup plus et qu’elle avait siphonnée toutes les ressources. Le conseil demande tout de même à l’intendant de pouvoir la vendre, lequel répond qu’elle doit être expertisée comme hors d’usage et sa valeur pécuniaire arrêtée. En 1855, le sujet revient sur la table. Nicolas Beauquis, fondeur de Quintal, s’apprêtait justement à fondre une cloche pour l’école de la commune. Il se porte donc acquéreur du bronze de la cloche fêlée de l’église pour 3 livres le kilo. La commune souhaite saisir cette occasion mais l’autorité de tutelle réplique en demandant une mise aux enchères. S’ouvre alors une grande période d’incertitudes… Cette cloche, d’environ 250 kilos, se retrouve donc attribuée à F. Cartier du Châble pour 3,15 livres le kilo. Mais coup de théâtre : il refuse de signer le procès-verbal d’acquisition ! Une seconde enchère attribuera la cloche à Nicolas Beauquis pour 2,45 livres le kilo… avant que Cartier ne réplique en offrant 1/10e de plus de son prix. L’enchère lui étant une nouvelle fois bénéfique, il refuse de payer car il indique ne pas connaître son poids ! Invité à sa pesée, il ne prend aucunement la peine de s’y déplacer. L’intendant général du genevois ordonne donc que la pesée soit faite devant témoins pour informer F. Cartier de son poids, afin qu’il récupère la cloche entreposée et qu’il règle la somme totale à la commune. Cette affaire ne fut soldée qu’avec des menaces fermes d’emmener l’affaire devant la justice !

Mais dans le même temps, l’autre cloche du clocher, alors solitaire, rendit l’âme également. La paroisse et ses conseils (communal et de fabrique) allaient pendant près de cinq années se déchirer avant de s’en procurer desnouvelles. Tout fut passé au peigne fin pour trouver le financement… et pour s’en dérober ! Tout commençait très bien : la commune vote la fonte d’une nouvelle cloche de 400 kilos, financée en partie par la vente au fondeur du métal de la cloche fêlée. La somme de 750 livres allait être allouée à la fabrique pour exécuter les travaux mais… il semblerait que cette dernière n’ait, même avec cette donation, pas assez de fonds pour la commande. Les conseillers communaux s’y intéressent donc et certains notent d’importantes irrégularités dans la comptabilité, demandant une inspection approfondie. Une somme de 3000 livres attribuée en 1848 ne figure pas dans les dépenses mais elle a pourtant bel et bien disparue : elle était à l’usage exclusif du défunt curé, à sa convenance ! Les héritiers du prêtre, dûment convoqués, ont été capables de prouver l’usage des fonds, mais refusaient de le certifier par écrit avec leur signature ! Une enquête est donc diligentée pour faire toute la lumière sur l’affaire… différant la fonte d’une nouvelle cloche alors qu’une première convention entre la commune et Nicolas Beauquis a été signée. Cette convention ne sera finalement jamais appliquée car deux ans plus tard, la commune, s’inquiétant d’être sans cloche depuis maintenant trois ans, prit d’autres décisions. Un budget de 2700 francs (la monnaie a changé avec l’annexion de la Savoie à la France) est donc approuvé pour fondre une cloche. La manœuvre est confié aux fondeurs Burdin basés rue de Condé à Lyon. En parallèle, la fabrique commande au même fondeur une plus petite cloche moyennant la reprise de la cloche fêlée et une souscription de plus de 500 francs pour couvrir les dépenses. Voilà qu’en 1862, arrivent en gare de Genève les deux nouvelles cloches de Beaumont. Chacune d’elle porte des inscriptions, avec leur parrain et marraine respectifs. Sur la plus grosse, il est écrit « Faite par la commune de Beaumont sous la direction de M. Mabut Marie, maire. ». Et la petite lui répond « Faite par souscription des habitants de Beaumont ». Mais la facture de la fonderie montre qu’il reste à payer la somme de 455 francs. A qui devait elle être imputée ? Les deux conseils se passent une nouvelle fois la patate chaude durant des années et la commune promet même à M. Burdin qu’elle payerait dès qu’elle le pourra… mais rien ne venait ! En 1878, l’affaire piétine encore et M. Burdin devient très hostile. Il demande au préfet l’accord de poursuivre la commune après 16 ans sans voir le moindre centime arriver ! Les élus souhaitent alors répartir la somme à payer entre la commune (2/3) et la fabrique (1/3). Seulement voilà, des pénalités sont imputées (honoraires de l’avocat et des intérêts de retard) portant la somme à 800 francs ! La fabrique ne pouvant pas payer même partiellement la somme, la commune, acculée, tente le tout pour le tout : elle demande une imposition extraordinaire. Seul le Président de la République peut autoriser un tel acte ! Jules Grévy ratifiera cette demande afin de clore, après presque deux décennies « l’affaire des cloches ». Mais en 1903, de nouveaux travaux sont demandés : reconstruire un beffroi neuf pour les deux cloches et créer un nouvel accès sécurisé à celles-ci, moyennant la somme de 992 francs. Là encore, le financement pose problème : une subvention fut attribuée à titre exceptionnel par le Président du Conseil Emile Combes. Il y a quelques années, un nouveau beffroi est installé pour les deux cloches car le précédent menaçait de se disloquer, promettant de sérieux dégâts lors des volées des cloches. 

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

105,5

~700

Fa♯3

2

83,2

~350

La3

Burdin Ainé fondeur à Lyon – 1862

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Remerciements :
M. et Mme Dominique Blanc, sacristains.
M. Michel Brand, pour l’organisation de la visite.
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour l’aide technique.

 

Sources & liens :
Beaumont : Haute-Savoie : 1814-1940, Félix Croset
Mémoires et documents publiés par l’Académie Chablaisienne, Tome XIII, 1899
Mémoires et documents publiés par l’Académie Chablaisienne, Tome XIV, 1900
Il était une fois l’Alsacienne
Eglise de Beaumont, dépliant
Relevé sur site
Clichés personnels


Et la cloche du Châble ?

Dans mon article, je fais référence au début à une chapelle moderne dédiée à Notre-Dame, au Châble, détruite il y a plusieurs années déjà. La commune l’avait acquise dans le but de la démolir en prévision d’un vaste chantier immobilier. Bâtie au début des années 1960, la cloche qui garnissait son clocher a été offerte par M. et Mme Frédéric Meyer. Originaires d’Alsace, ils étaient à la tête de la « Société Alsacienne d’aluminium » basé à Sélestat mais délocalisée à Beaumont après la Première Guerre Mondiale. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’entreprise retourne en Alsace redevenue française mais M. Meyer n’a pas oublié l’accueil des savoyards. Il a maintenu au Châble son usine et donc des emplois et aida la commune de Beaumont à se développer en participant à la construction d’une salle des fêtes et de la nouvelle mairie. C’est aussi lui qui offrit, en 1962, la cloche « Anne » de la chapelle Notre-Dame du Châble. Pesant 190 kilos et sonnant le « ré » elle a été fondue chez Paccard à Annecy. Lors de la destruction de la chapelle, cette « relique » du lieu de culte fut conservé par la commune. Elle a été installée en 2016 sur un petit portique dans l’esprit des carillons « Ars Sonora » près de l’emplacement du sanctuaire disparu, à l’entrée de… la rue de la chapelle ! Et dorénavant, elle sonne les douze coups de midi, rappelant à tous qu’au même endroit se tenait une communauté catholique malheureusement rattrapée par la perte de la pratique religieuse et des vocations.

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Pour écouter la cloche du Châble :

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