Fillière – Eglise Saint-Martin (Saint-Martin-Bellevue)

A quelques kilomètres au nord d’Annecy, l’ancienne commune de Saint-Martin-Bellevue (aujourd’hui intégrée à Fillière) porte bien son nom. Son promontoire offre ainsi une vue à 360° sur les massifs environnants : les Bornes, le Salève, la Mandallaz ainsi que les Bauges et le lac d’Annecy. Le nom du village est aussi très bien connu des automobilistes qui franchissent régulièrement la gare de péage, à tort appelée « Allonzier-la-Caille », du nom de la commune voisine. Déjà à l’époque romaine, une voie importante traversait la localité pour relier Annecy à Genève. Son patronyme est à lui seul un gage d’ancienneté avec la référence à saint Martin, évêque de Tours au IVème siècle. Fêté le 11 novembre, c’est aujourd’hui l’un des saints protecteurs de la France, vénéré dans de nombreuses paroisses. 

Les savoyards n’ont aucune raison d’envier les normands et les bretons (ne fâchons personne !) car ils possèdent, eux aussi, leur propre Mont-Saint-Michel. Il ne s’agit cependant « que » d’une basse montagne du Massif des Bauges surplombant l’agglomération chambérienne. Mais les savoyards possédaient aussi, autrefois… le Mont-Saint-Martin ! Dans ce cas précis, ce n’est autre que le village que je vous propose de découvrir. C’est en effet en ces termes qu’est d’abord cité Saint-Martin-Bellevue, caractéristique par sa colline terminée, comme au Mont-Saint-Michel, par un lieu consacré. Il semble d’ailleurs que des nobles aient pris le nom de la commune entre le IXème et le XIIIème siècle, avant de rapidement passer la main à d’autres seigneurs. La commune prit ensuite le nom de « Saint-Martin-d’Annecy » puis, probablement après la Révolution, le nom de « Saint-Martin-en-Genevois », en référence à la province savoyarde dont elle fait partie, avant de devenir « Saint-Martin-Bellevue » en 1921, jusqu’à devenir commune déléguée de Fillière en 2017. L’église Saint-Martin et son clocher sont donc visibles à des kilomètres à la ronde ! Cet édifice remarquable est malheureusement très mal documenté. Son retable baroque qui fait la fierté du monument y représentant saint Martin évêque de Tours accompagnés du saint pape Urbain II et du saint roi Louis (ou Louis IX) préfigure d’un monument du XVIIIème siècle au moins, tout comme son architecture. L’édifice aurait été remanié par deux fois au XIXème siècle : entre 1824 et 1825 puis entre 1882 et 1885. En 1900, des travaux de restaurations sont envisagés sur l’église, le presbytère et le clocher. C’est une lettre de M. le Préfet en personne qui nous indique cet évènement. Peu d’autres informations nous permettent d’apprécier à sa juste valeur le monument qui trône au sommet de sa montagne.

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Le clocher, couronné d’un dôme et d’un clocheton abrite, comme beaucoup de villages du secteur, une sonnerie de deux cloches. Le fondeur de celles-ci est d’ailleurs relativement lié au village. Mais cette liaison n’est pas uniquement due aux deux cloches. Il faut remonter en 1693 pour mieux comprendre. Pierre Bertherat, natif du village, épouse Claudine Paccard de Quintal ! Il y avait tellement de « Bertherat » à Saint-Martin que le curé y a ajouté la mention « dit Paccard » pour ce couple et leur descendants. Le frère de Claudine, Claude-Antoine, eut comme descendant direct… Antoine Paccard ! Est-ce grâce à ce surnom que la commune s’est naturellement tournée vers cette famille de fondeurs de cloches ? Nul ne sait. Quoi qu’il arrive, en 1820, la paroisse souhaite refondre sa cloche. On ne sait pas quand elle a été coulée et quel est son poids de départ. La cloche, toujours en place, est signée « Paccard fondeur de Louis Frèrejean ». Il faut savoir qu’en 1796, Antoine Paccard lance sa propre fonderie mais ce dernier ira travailler à Lyon pour le compte de Louis Frèrejean, membre d’une grande famille de forgerons lyonnais. Ce dernier a racheté les forges de Cran (près d’Annecy) en 1817. Le directeur local de ces forges ne sera autre que Claude Paccard, fils d’Antoine et représentant de la seconde génération. Claude Paccard reprendra ensuite les rennes de la fonderie lancée par son père avant de la transmettre à la prochaine génération, Georges et Hyppolite-Francisque.

Il ne reste malheureusement que très peu de cloches antérieures à 1830 chez les Paccard. Antoine et ses fils étaient déjà activement à l’œuvre dans les années 1810, avec des livraisons à Taninges ou à Montriond. Mais ces cloches (assez imposantes, d’ailleurs) n’existent plus que dans les archives car dans le même siècle elles ont été refondues. Il ne reste que quelques reliques, dont deux cloches de 1817 à Lathuile et Quintal, et peut être d’autres cloches méconnues. Il n’est donc pas si imprudent que cela d’affirmer que la petite cloche de Saint-Martin-Bellevue compte parmi les plus anciennes encore en activité signées par la famille. Mais cette cloche, aux accents baroques, frappe par ces quelques défauts de coulées. J’ai pu compléter le relevé des inscriptions grâce aux psaumes latins, certains mots étant mal démoulés ou partiellement effacés. Heureusement, ses maximes en français ont été mieux réussies et nous permettent de connaître une partie de son histoire. La plus grosse est plus récente. Elle a été fondue en 1856 par la même fonderie. Un autre clin d’œil, car elle fait partie des dernières cloches coulées à Quintal avant la fermeture du four l’année suivante. Cette cloche d’environ 800 kilos est le fruit d’une souscription. Elle nous le dit sans détour « C’est pour la plus grande gloire de Dieu que les habitants de la paroisse de st Martin m’ont donné l’existence en 1856 » ainsi que son prénom, Claudine-Joséphine. Elle le doit à son parrain et à sa marraine, le chanoine Claude Deletraz et Josephine Berthod née Lugaz. Les deux cloches, installées dans un beffroi en bois, ont été motorisées en 1954. Depuis quelques années, elles bénéficient par bonheur de nouveaux battants en acier doux pour limiter leur usure et de nouveaux marteaux de tintements.

Nom

Fondeur

Année

Diamètre (cm)

Masse (kg)

Note

1

Claudine Joséphine

Frères Paccard

1856

111,7

~800

Fa♯3

2

Paccard fondeur de Ls Frèrejean

1820

91,9

~450

Sol♯3

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Mes remerciements à :
La commune de Fillière et Mme Catherine Mercier-Guyon, maire-adjointe.
La commune déléguée de Saint-Martin-Bellevue.
Mon ami Claude-Michaël Mevs dit « Quasimodo » pour son aide technique et logistique.

Sources & Liens :
Dictionnaire d’Amboise, tome I : Les Pays de Savoie – Deuxième édition (1989)
La petite vache noire – les « Paccard » de Saint-Martin-Bellevue
Relevé personnel
Clichés personnel
Fonds privés

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