Scientrier – Eglise Saint-Maurice

Il y a quelques semaines, je vous présentais l’église Saint-Théodule d’Arenthon et ses deux cloches. Pour rappel, l’une est genevoise et l’autre savoyarde. A seulement 850 mètres de cet édifice au chœur gothique se trouve un autre sanctuaire, pourtant sur la commune voisine de Scientrier. Totalement excentrée du bourg, ce modeste monument religieux semble plutôt bien plus ancien. Il est au bord de l’Arve, proche du Prieuré de Contamine, à l’origine de la fondation de la paroisse. Il est vrai qu’en traversant Scientrier par les grands axes, on ne voit pas l’ombre d’un clocher. Par contre, on peut aisément trouver la mairie, l’école et le cimetière. Le chemin le plus usité pour accéder à l’église impose le passage par la commune d’Arenthon ! La raison est bien entendu historique et pas si ancienne.

 

Le cadran solaire de 1757.

On sait que cette église, sous le vocable de saint Maurice, a été construite en 1511 par les moines du prieuré de Contamine, qui avaient certainement construit un pont pour traverser l’Arve qui sépare les deux communes. Pourtant, jusqu’à la fin du XIXe siècle, son histoire est vide. On notera seulement une anecdote plutôt intéressante expliquant sa position actuelle. A cette période, l’église menaçait de finir en ruines, le temps ayant fait son oeuvre. On sait que l’évêque d’Annecy, Mgr Isoard, était prêt à interdire le culte dans le bâtiment tant que de sérieux travaux n’étaient pas entrepris. Le conseil municipal entier, qui avait entrepris le projet de recréer le bourg ailleurs, saisit donc cette opportunité pour la détruire et en reconstruire une autre, ailleurs. C’était sans compter sur l’attachement des habitants du « vieux bourg », ancien chef-lieu, pour leur église séculaire. Une consultation de la population est donc lancée en 1901 : le choix portait entre deux parcelles différentes ou le refus du transfert. A la voix près, le refus du transfert l’emportera. Mais des travaux de réparations demandés par l’évêque ne sont pas lancés pour autant. En 1903, le même maire ferme l’église et alloue un local pour l’exercice du culte. Un an plus tard, un nouveau conseil s’installe et tente de relancer les débats et ils ont trouvé un nouveau terrain.  Ils l’ont même acheté mais… le tribunal de Saint-Julien invalide la vente ! Les recherches d’un lieu idéal ont donc été relancées et le maire demande à réparer la vielle église pour la rouvrir au culte le temps des travaux, non sans certaines contestations dans le conseil. Au final, elle servira encore plus de 30 ans. Juste avant la Seconde Guerre Mondiale, en 1939, le projet renaît de ses Cendres et est confié à Dom Bellot, architecte de la Basilique des Fins d’Annecy ou encore de l’église Saint-Joseph d’Annemasse. Le terrain était trouvé, les pierres acheminées, mais la guerre eut raison du projet presque abouti, qui n’aurait jamais été entièrement financé en raison de grosses restrictions budgétaires. En 1977, cinq années de travaux sont lancées dans l’église toujours debout : toiture, fenêtres, nouveaux abords. Elle a donc profité d’une cure de jouvence, et même les cloches ont été électrifiées !

Les cloches, parlons en. Comme sa voisine, nous avons affaire à une première de facture suisse (ou presque, Carouge étant sarde a l’époque) et une autre des ateliers Paccard. Cette dernière d’environ une tonne a été fondue en janvier 1875. Commandée l’année d’avant, elle honore le testament du révérend père Babaz Victor, curé de Scientrier, décédé en 1856. Il offrait 2’000 francs à la commune pour l’achat d’une seconde cloche plus grosse pour suppléer à une cloche plus ancienne. Cette dernière est couverte de mystères : elle ne possède ni signature, ni date de fonte. Ses décors sont un indice indéniable. Ils rappellent Jean-Baptiste Pitton, fondeur établi à Carouge entre 1787 et 1830. Il faut noter qu’ils ont été grossièrement démoulés. Les inscriptions, quant à elles, sont criblées de fautes d’orthographe. Certains mots ont du être partiellement écrit en négatif car les lettres semblaient absente au démoulage. Peut-être il s’agit de l’œuvre d’un de ses élèves. Pour en savoir plus, ce n’est qu’en 2021 (soit 3 ans après ma visite) que j’ai trouvé dans les archives l’histoire de cette cloche. En 1814, le conseil communal se réunit pour discuter de la cloche, fêlée depuis 10 ans. Elle pesait à peine 100 kilos. Il est convenu qu’il faut commander une cloche de 500 kilos, audible de toute la commune. Le syndic passe une convention le 26 février avec Jean-Baptiste Pitton de Carouge pour la fonte d’une cloche de presque 400 kilos (sept cent vingt cinq livres de Genève, soit 398 kilos) confirmée deux jours plus tard par l’Intendant de la province. Début 1816, les comptes sont faits : prix de la cloche, de son joug en chêne et de son battant. Elle aura coûté 1300 francs.

Fondeur(s) Année Diamètre (cm) Masse (kg) Note

1

Paccard Frères 1875 117 950

Fa 3

2 J-B Pitton 1815 86 400

Si bémol 3

Mes remerciements pour cette visite du clocher à M. Denis Barbier, maire, pour son aimable autorisation, et à M. Michel Brantus, adjoint, pour l’ouverture du clocher et les sonneries spéciales.

Sources & Liens :
Scientrier sur Wikipédia
Scientrier
Fonds Privés
Annuaire du Département du Léman, 1811 & 1814
Clichés personnels
Matthias Walter, campanologue

Laisser un commentaire