Chens-sur-Léman – Eglise Sainte-Anne

Un village au bord d’un lac et d’une frontière !
Dernier village français sur la rive gauche du Lac Léman (en suivant le fil de l’eau), Chens-sur-Léman est un village apprécié des nostalgiques de l’air marin. La commune domine le plus grand lac d’Europe et fait face à la commune suisse de Céligny, enclave genevoise en terres vaudoises. Son port de Tougues attire chaque été nombre de locaux ou d’estivants pour un moment convivial ou une simple baignade. Chens, ce sont aussi des forêts sur les plaines chablaisiennes, traversées par quelques ruisseaux. L’Hermance, quant à elle, est une rivière qui fait office de garde frontière entre Chens et Hermance. Si depuis 1816 ces deux communes accusent deux nationalités différentes, cela n’a pas toujours été le cas : nous y reviendrons !
Le nom de Chens-sur-Léman n’existe que depuis 1954. Une requête du conseil municipal d’alors demande que, par décret, le célèbre plan d’eau qu’elle borde figure dans son nom. Chens, cela a aussi été Chens-Cusy, et même avant Cusy, voire Cusier. Autant de noms pour une même aire géographique : ou presque ! Au lendemain de la Révolution, la paroisse est transférée de Cusy, d’avantage tourné vers l’actuelle Suisse, vers le chef-lieu que nous connaissons aujourd’hui.

Un prieuré et une paroisse disparus.
Les origines de Chens ne sont pas exactes. On a retrouvé cependant de nombreuses traces de vie des époques néolithiques, romaines et burgondes. Si les origines d’une église ne sont pas formellement attestées, il est fort probable qu’un sanctuaire fut déjà érigé avant la fortification du village voisin d’Hermance, au XIIème siècle. Cusy était également le lieu de résidence de nombreux moines qui y avaient construit un monastère. Ils y vivaient sous la règle de saint Benoît. Si le prieuré et l’église sont relevés après le pillage des Bernois au XVIème siècle, la paroisse de Cusy se voit annexée à celle d’Hermance. Le curé était alors représenté par un vicaire. Cette situation durera jusqu’à la Révolution. On y décrit une église simple dotée d’un clocher porche et entouré d’un cimetière. Tout a évidemment été saccagé à la Révolution. Et la population migrante vers d’autres hameaux de la paroisse, allaient tout remettre en question.

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Une nouvelle paroisse
En 1801, un curé revient à Cusy. La paroisse est de nouveau indépendante, mais avec aucun lieu de culte fiable : ni l’église paroissiale ni l’église conventuelle ne peuvent accueillir dignement les fidèles. La « migration » (très locale, certes) des habitants vers d’autres hameaux posera la question de délocaliser le sanctuaire. Et quelle question ! Evidemment, il y a les pour, les contre, ou ceux de l’entre-deux.. L’archevêque de Chambéry sera un bon médiateur et tranchera pour le hameau le plus peuplé : Chens. Alors, on déconstruit les quelques ruines de l’édifice de Cusy pour construire le nouveau. De cet édifice, nous savons peu de choses, si ce n’est qu’il est certainement de taille similaire que l’ancien. Les travaux ont duré de 1804 à 1809, année ou l’archiprêtre de Douvaine « bénit » l’église. Ce n’est qu’en 1828 que l’évêque d’Annecy consacrera réellement ce lieu de culte. Mais en 1832 déjà, un projet d’agrandissement voit le jour. Après de nombreuses discordes entre le mécène, le Marquis de Beauregard, et les syndics, les plans sont enfin votés. Les travaux s’étaleront de juillet à novembre 1834. L’année suivante, l’archiprêtre de Douvaine bénit les travaux et, une fois n’est pas coutume, ce n’est qu’en 1846 que l’évêque consacre le nouveau monument. Là encore, on ne sait pas trop comment l’édifice a été transformé, même si le délai rapide permet de comprendre qu’on doit parler d’un agrandissement, plus qu’un reconstruction. On en déduit donc que l’édifice construit en 1804 est partiellement repris. Au fil du temps, le lieu de culte a été restauré plusieurs fois : modification des façades en 1924 puis rénovation du clocher en 1936, de l’intérieur en 1958 et de la toiture en 1990.

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Une cloche aux origines mystérieuses
De l’Ancien Régime, l’art campanaire est presque inexistant dans les archives. Il est simplement stipulé que le premier curé nommé après l’invasion bernoise note que l’église est dépourvue de cloches. A la Révolution, les paroissiens doivent descendre leur cloche, d’un poids de 7 à 8 quintaux. Au Concordat, les autorités de Thonon cèdent une cloche à la paroisse qui en était alors dépourvue. Jamais brisée, c’était la dernière cloche réquisitionnée à la Révolution. Elle attendait un repreneur. Datée de 1566, elle porte comme seule inscription une antienne de l’Office de Sainte Agathe : « MENTEM SANCTAM SPONTANEA HONOREM DEO ET PATRIE LIBERATIONEM » Cette inscription signifie « Donne à notre âme la sainteté, à Dieu la gloire, à la Patrie la liberté ». Pour certains historiens, elle ferait allusion à la victoire du Duc de Savoie qui récupère alors des terres perdues lors de guerres passées en 1559 grâce au traité de Cateau-Cambrésis. Cependant, cette maxime se trouve déjà sur des cloches remontant à 1428. L’origine de la cloche est, elle aussi, très vague : on raconte qu’elle provient d’un ancien couvent. Ses effigies ne donnent hélas guère plus d’informations : deux crucifix, la Vierge et un abbé/évêque crossé et mitré. Ce dernier tient dans sa main un livre. On pourrait alors penser à un Père de l’Eglise, par exemple saint Augustin. Il a été le père spirituel de nombreux religieux dans la région sous la direction spirituelle de l’Abbaye de Saint-Maurice
Longtemps seule, c’est en 1859 qu’une grande sœur l’a rejoint. Elle est le fruit de la générosité -entre autres- de ses parrain et marraine : les Costa de Beauregard, « bienfaiteurs perpétuel de la paroisse » aux dires du curé de l’époque, l’abbé Dumarais. Mais comme pour l’emplacement de l’église, beaucoup d’encre coula pour l’arrivée de cette cloche. Les quelques réfractaires ont tenté de décourager le curé en indiquant que les paroisses de Perrignier et de la Forclaz, récemment dotés de nouvelles cloches, n’arrivaient pas à payer leur nouvel airain. Mais cela n’a pas découragé le brave prêtre, qui se demande comment un tel fait peut être avéré, sachant que ces nouvelles cloches ont entraîné des cérémonies d’une rare solennité ! Et il eut bien raison de ne pas céder : le dimanche des Rameaux 1859, l’archiprêtre de Douvaine bénit la cloche en présence d’une assistance des grands jours, renforcée par les curés des communes voisines mais pas des parrain / marraine. Empêchés, ils ont du se faire représenter. Après la cérémonie, des ouvriers de Chens-Cusy montent avec délicatesse la cloche dans son nouveau logis, avant de l’installer sur un beffroi conçu pour l’occasion. Dédiée à l’Immaculée Conception de Marie, elle tient ainsi compagnie à sa vielle sœur de 1566. En 1924, l’entreprise Prost frères de Morez équipe le clocher d’une horloge mécanique. Enfin, en 1960, les cloches sont électrifiées : le sonneur-carillonneur n’aura plus à grimper les escaliers du clocher à chaque sonnerie !

Nom Fondeur Année Diamètre (cm) Masse (kg) Note
1 Immaculée Conception de Marie Frères Paccard 1859 107,8 720

Fa ♯ 3

2 inconnu 1566 78 275

Si 3

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Je remercie chaleureusement…
Madame le maire Pascal Moriaud, pour son aimable autorisation.
Monsieur le maire-adjoint Jérôme Tronchon, pour son accueil et la mise à disposition d’archives.
Madame la conseillère Françoise Chevron, pour son accueil.
Mon ami Claude-Michaël Mevs, dit « Quasimodo« , pour son aide précieuse !
Mon ami Me Pascal Krafft, expert-campanologue adjoint auprès de l’archidiocèse de Strasbourg, pour l’aide autour de la cloche de 1566.

Sources & liens :
Mairie de Chens-sur-Léman

Chens-sur-Léman
Archives paroissiales
Récit du curé Demarais
Fonds privés
Clichés personnels
Clichés de Quasimodo

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