Abondance est aujourd’hui un des lieux touristiques les plus prisés en Pays de Savoie. A la fois très proche de grands domaines skiables et du Lac Léman, Abondance intéresse le visiteur tant par son patrimoine mobilier -voir ci-après- que par son patrimoine gastronomique. En témoigne plusieurs fromages typique de la vallée d’Abondance dont le plus célèbre, le fromage homonyme, l' »Abondance » avec sa forme concave, caractéristique de celui-ci et de son « cousin », le Beaufort.
Blotti contre le Mont Jorat, le bulbe du clocher de l’église-abbatiale d’Abondance semble vaincre le temps. Du sommet de son coq, un millénaire complet nous contemple. Il pourrait aussi bien nous raconter l’installation des premiers moines puis des chanoines que les grandes heures du lieu, en évitant de nous raconter les effroyables incendies et crues de la Dranse et la décadence de l’Abbaye. Aujourd’hui, il est le témoin d’un village touristique en plein développement depuis des décennies. Il regarde fièrement les touristes qui osent aller au pied de sa tour pour pénétrer dans un lieu qui n’attend qu’une chose : nous livrer ses secrets.
Si la naissance de l’Abbaye demeure assez vague, on peut avancer que les premiers religieux s’installent sur l’actuel territoire de la commune voisine de la Chapelle-d’Abondance, au XIe siècle. Louis de Féternes -alors seigneur de la Vallée- confie aux religieux le bon soin de celles-ci. En 1108, l’Abbaye d’Agaune ratifie à son tour la donation et offre une autonomie à son Prieuré qui deviendra officiellement une Abbaye en 1139. En 1155 déjà, le Pape Alexandre IV félicite le travail accompli par les chanoines qui signeront un traité de confraternité avec Agaune un an plus tard. L’Abbaye est à l’origine de la naissance de quelques lieux de cultes comme les abbayes d’Entremont, de Sixt ou encore de Salins (Franche-Comté) et des prieurés comme celui de Peillonnex. A cette même époque (XIIe siècle) l’Abbaye connut deux abbés aujourd’hui élevés sur l’autel des bienheureux : Ponce de Faucigny (fondateur de Sixt) et Jean d’Abondance. Après les Augustins, ce sont les Cisterciens Feuillant qui vont prendre possession des lieux en 1607. Ils y resteront jusqu’en 1761, lorsque l’Abbaye sera « sécularisée ».
L’histoire des bâtiments n’est pas si simple. La première abbatiale a été construite sur le même emplacement que l’actuelle vers 1275. Le cloître, quant à lui, a été réalisé entre 1330 et 1354. Ses fresques datent des années 1430. En 1446, le clocher porche, la nef de l’abbatiale et une partie du monastère sont la proie des flammes. L’histoire se répétera en 1633 (ou 1635) mais l’incendie sera moins violent que le premier. En 1685, un nouveau clocher bulbe est construit au dessus de la nef. Il sera refait une dernière fois à l’emplacement actuel en 1728, l’ancien ayant été -une fois n’est pas coutume- détruit par le feu. Après la sécularisation, les bâtiments sont vendus comme bien nationaux. Lors de la seconde moitié du XIXe siècle, ils reviennent à la commune d’Abondance qui installera alors l’administration de la ville dans l’aile sud. En 1875, les bâtiments sont classés Monuments-Historiques. Entre 1898 et 1900, l’abbatiale est allongée de deux travées vers le porche. A la fin des travaux, le cloître sera à son tour acquis par la commune. Le reste de l’Abbaye -l’abbatiale et l’aile ouest- le sera naturellement avec la célèbre loi de 1905. Au cours du XXe siècle, les lieux sont restaurés : tantôt le cloître, tantôt le clocher, tantôt les orgues…
Contre tout attente, les quatre cloches de l’église ne sont pas séculaires. L’ensemble campanaire -qui a sans doute évolué au gré des incendies et de l’usure des cloches- est aujourd’hui relativement récent.
De la période sarde ne subsiste que la seconde cloche, fondue en 1840. Surnommée « Victorine » -du nom de sa marraine-, elle fut fondue sous le mandat du syndic (maire) -son parrain- M. André Gagneux. Le curé de l’époque était le Rd Pierre-Joseph Royer. Si cette cloche a pu survivre au remaniement de la sonnerie de 1952, contrairement à ses trois sœurs -dont nous ne savons rien-, elle n’a cependant pas été épargnée. Elle a été réaccordée afin de convenir aux exigences musicales de l’époque. A son retour, elle a été suivie par « Marie-Roberte », « Marie-Alice » et « Marie-Jeanne-Thérèse-Clothilde ». Ces trois cloches, qui portent la mention « refondue en 1952 », ont été bénies sous le pontificat de S.S. le Pape Pie XII, l’épiscopat de Mgr Auguste Cesbron, le mandat de l’Abbé François Veyrat, curé, et du maire Anselme Berthet, parrain de la grosse cloche. Les connaisseurs remarqueront que contrairement aux usages de l’époque, le beffroi et les jougs en bois n’ont pas été troqués contre de vulgaires poutrelles en acier. La fonderie Paccard, en charge de la restauration de l’ensemble campanaire, a même eu la délicatesse de réemployer les montures des anciennes cloches en adaptant les assises des anses. La décoration des nouvelles messagères est aussi de toute beauté. Si la doyenne possède un Crucifix et une Vierge à l’Enfant -typiques des cloches savoyardes de l’époque- les autres cloches arborent de multitudes de symboles chrétiens comme le Panis Angelicus ou l’Agneau Pascal. Elles citent également de nombreuses paroles de saints. Je me permets de notifier l’une d’entre elles, signée saint François de Sales « La charité est entre les vertus comme le soleil est entre les étoiles, elle leur distribue toute leur clarté et beauté ».
Les quatre cloches égrènent un motif assez peu représenté dans nos vallées, celui du « Parsifal » avec les notes mi, sol, la et do aigu.
Nº | Nom | Fondeur(s) | Date | Diamètre (cm) | Masse (kg) | Note |
1 | Marie Roberte | Paccard | 1952 | 121 | 1050 | Mi 3 |
2 | « Victorine » | Frères Paccard | 1840 | 97,1 | 650 | Sol 3 |
3 | Marie Alice | Paccard | 1952 | 90,2 | 460 | La 3 |
4 | Marie Jeanne Thérèse Clothilde | Paccard | 1952 | 76 | 250 | Do 4 |
Mes remerciements pour cette visite à la commune d’Abondance pour son aimable autorisation d’accéder au clocher de l’abbatiale sous le mandat de Paul Girard-Despraulex, maire. Je remercie également la communauté paroissiale sous la responsabilité du père Jose Boban, curé de l’ensemble paroissial. Remerciée soit également Mme Nathalie Desuzinge, en charge du site patrimonial de l’Abbaye pour l’accès au clocher et à la sacristie de l’abbatiale. Enfin, amitiés à M. Guilhem Lavignotte, organiste d’Yverdon-les-Bains pour son indispensable collaboration.
Sources & liens :
Abbaye d’Abondance
Mairie d’Abondance
Paroisse d’Abondance
Inventaire Personnel
Fonds Privés
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