Je suis fier aujourd’hui de vous présenter un de mes coups de cœur de mes visites. Au cœur de la vallée d’Abondance, qui relie les hauteurs de Thonon-les-Bains au Valais, en Suisse, tout en desservant par la même occasion une grande partie des Portes du Soleil, non moins célèbre station de ski, on a pu se rendre compte que cette vallée regorge de trésors campanaires… ce n’est pas fini ! Sur ce village, nous avons probablement les origines de la vallée. C’est en effet entre les Cornettes de Bise et le Mont de Grange que ce seraient installés les chanoines de Saint-Maurice avant de préférer Abondance, lieu ou les murs de l’Abbaye demeurent presque intacts. Quoi qu’il en soit, ce village est attesté officiellement dès 1178. Son nom évolua au fil du temps avant de prendre la forme actuelle en 1960. Lors de la Révolution, il prit temporairement le nom de « Mont d’Or » avant de devenir un temps « La Chapelle en Chablais ».
Du côté de la paroisse, une grande église est attesté aux Frasses. Elle fera l’objet de discordes entre l’évêque de Genève et l’Abbé d’Abondance, ce dernier préférant avoir la pré-séance dans la vallée. Il obtiendra gain de cause grâce au Pape Innocent IV qui déclassera l’église en chapelle (peut-être que le nom de la commune vient de cet événement?). Dès lors, les lieux deviennent propriété de l’Abbaye. Lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Maurice à l’endroit actuel, aux Contamines, la paroisse souhaite s’émanciper. Ce ne sera chose faite qu’après la venue de saint François de Sales, évêque d’Annecy-Genève. En 1645, Victor-Amédée II, Duc de Savoie, souhaite que la Chapelle et Châtel, deux jeunes paroisses, soient tout de même une seule entité administrative. 95 ans plus tard, un de ses successeurs proclamera la naissance de Châtel comme commune à part entière. Revenons en 1636 : nous sommes au cœur d’une période faste pour la vallée, en pleine expansion démographique. L’église est alors reconstruite. Un siècle plus tard, entre 1732 et 1733, le clocher est reconstruit une première fois. Il le sera de nouveau en 1811, après la Terreur. L’église sera agrandie entre 1846 et 1848 par Besson. Les peintures intérieures seront reprises en 1936 et 2008.
Le clocher de l’église Saint-Maurice est l’un des plus beaux clochers à bulbes savoyards : ses formes élégantes sont vantées dans toutes la région. Il y a également un trésor non négligeable qui cette fois va ravir nos oreilles : il s’agit des quatre cloches. Et là encore, nous pouvons sans autres parler d’un des plus beaux ensembles du Chablais. Il est formé de trois cloches des frères Claude et Jean-Pierre Paccard de Quintal, représentants de la deuxième génération de cette non moins célèbre fonderie aujourd’hui installée à Sévrier et qui a contribué à la notoriété d’Annecy et de sa région. Elles accompagnent une cloche plus ancienne, fondue par Guillaume, Claude et Antoine Livremont, fondeurs et bourgeois d’Evian, de Pontarlier et de Besançon (25). Elle est classée Monument Historique depuis 1943 car elle a été fondue en 1687. Si les cloches de 1842 ne nous informe pas si elles remplacent des regrettées prédécesseurs, on sait cependant qu’en 1744 Simon Fontaine et Jacques Epillat, fondeurs lorrains, ont réalisés plusieurs cloches pour l’église. Il ne fait peu de doutes que ces cloches aient été fondues à la Révolution pour en faire des canons. Les iconographies des cloches valent le détour. Si la plus grande cloche, fondue au début de l’ère baroque, affiche un agencement proche du gothique avec une multitude de Vierges à l’Enfant, de Cruxifix et le patron, saint Maurice, les plus petites cloches présentent une décoration néoclassique typique de la fonderie de Quintal à l’époque. Au détail près qu’elles arborent elle aussi une gravure de saint Maurice, représenté sur sur cheval, épée brandie.
Depuis 1955, les quatre cloches sont électrifiées. Les deux petites cloches Paccard conserveront leurs équipements d’origines, tout comme la deuxième, qui possède depuis peu de nouvelles ferrures et un nouveau battant. Un nouveau moteur de volée a également été installé il y a peu. Concernant la plus grande cloche, son joug a été changé en 1955. Elle possède encore son battant forgé, mais celui-ci n’est sans doutes plus d’origine. Malgré son grand âge, elle n’a pas été tournée d’un quart de tour. Son usage est d’ailleurs limité à annoncer les offices qui ont lieu tous les quinze jours, dans le but de la ménager.
N° | Nom | Fondeurs | Année | Diamètre (cm) | Masse (kg) | Note |
1 | saint Maurice | Guillaume, Antoine & Claude Livremont | 1687 | 133,5 | 1’400 | Mi ♭ 3 |
2 | saint Maurice | Claude & Jean-Pierre Paccard | 1842 | 119,5 | 1’050 | Fa ♭ 3 |
3 | saint Maurice | Claude & Jean-Pierre Paccard | 1842 | n.c. | 650 | Sol 3 |
4 | saint Maurice | Claude & Jean-Pierre Paccard | 1842 | n.c. | 250 | Do 4 |
Ci-dessous, diverses photos des quatre cloches.
Mes remerciements pour cette visite à M. Bernard Maxit, maire, pour son aimable autorisation, à la secrétaire de mairie pour l’organisation du rendez-vous avec Fernande Blanc, sacristine, pour l’ouverture de la sacristie et du clocher. Remerciés soient également mes amis Mike « Quasimodo » et Guilhem Lavignotte, organiste et carillonneur, pour la collaboration et les échanges amicaux !
Sources & Liens :
Mairie de la Chapelle-d’Abondance
Office du tourisme de la Chapelle-d’Abondance
La Chapelle d’Abondance et son église Saint-Maurice sur Wikipédia
L’église dans la Base Mérimée du Ministère de la Culture
La grande cloche, classée
Matthias Walter, campanologue de l’Etat de Berne (CH)
Fonds privés
Relevé personnel