Aux portes du beaufortain, vallée creusée par le Doron, Queige est un village de 800 habitants de part et d’autre d’une rivière parfois tempétueuse. De nombreux sommets dépassant les 2000 mètres d’altitude entourent la commune, qui possède un moyen de communication avec le Val d’Arly grâce au Col de la Forclaz, nom très répendu. En effet, en patois Forclaz signifie « petite fourche » ou « fourchette » : il faut comprendre alors « un passage dans la montagne », nous disent volontiers nos anciens. Si le chef-lieu du village est installé rive droite du Doron, de nombreux hameaux sont installés ici et là, aussi bien en direction du Col qu’au bord du torrent, qui coule depuis les alpages et plus particulièrement les barrages de Roselend et de la Girotte, plus en amont.
La première mention d’une église à Queige remonte à 1171. Un édifice religieux était déjà construit en contrebas de l’actuel, près du Doron. Suite à une importante crue de cette rivière, l’église fut déplacée à l’emplacement actuel en 1351. La base de la tour clocher, qui sert également de chœur, est bien plus ancienne : il s’agit en fait de la tour d’un ancien château. En 1674, le nouveau sanctuaire baroque est consacré. Les travaux sont réalisés par les tailleurs de pierres de la paroisse de Sixt, en vallée du Giffre. En 1793, Ablitte ordonne de raser la tour. Fini le temps du clocher majestueux qui dépassait fièrement la nef de l’église, sa flèche élancée et ses quatre clochetons. Aujourd’hui, une modeste flèche couronne un clocher qui ose à peine se démarquer de la nef. Grand classique pour les églises baroques des pays de Savoie, l’intérieur contraste nettement avec la sévérité extérieure. Le retable est sans doute l’élément le plus remarquable de l’édifice. Chaque année, début février, Queige fête sa patronne, Sainte Agathe. Une grande foule assiste à la messe patronale où est béni le pain de Sainte Agathe.
Le clocher trapu, ancienne tour de château, abrite aujourd’hui quatre cloches. La plus grande des quatre, « Marie-Françoise », date de 1646. A la fin du XIXe siècle, cette cloche qui survécut à la Révolution se fêla. Il a fallu la refondre en 1886. Cette cloche prie pour les Queigerans qui l’ont financée. Elle arbore aussi le nom du curé, du maire de l’époque, du parrain et de sa marraine ainsi que l’inscription « Je sonne la messe, les heures et chasse l’orage ». La deuxième cloche se retrouve à être la doyenne aujourd’hui. Elle a été fondue en 1824 par un fondeur natif de Briançon, pourtant bien connu en Savoie : Louis Gautier. Elle est dédiée à Sainte Agathe. Comme les autres cloches, elle fut offerte par les queigerans vivant à Paris, en plus des villageois. Mgr Antoine Martinet, un queigeran -entre autres- docteur et professeur de théologie, chanoine honoraire de la Métropole de Chambéry et vicaire général de la Tarentaise a eu l’honneur de parrainer cette cloche. Une fois la cloche installée au clocher, il deviendra Archévêque de Chambéry jusqu’à sa mort. Lucie-Joséphine est la troisième cloche. Fondue en 1827 par Gautier, elle fut refondue à Quintal en décembre 1843. « Marie-Cécile » est la benjamine de la sonnerie, tant par sa taille que son âge. Fondue en 1845 et donnant un « ré » de deux quintaux à peine, elle fut refondue en 1950, alourdie et harmonisée pour l’occasion avec ses grandes sœurs. Fondue quelques années après la seconde guerre mondiale, elle se veut être « la cloche de la Paix ». Autrefois, les sépultures pouvaient être sonnées avec une seule ou trois cloches, selon le défunt. Aujourd’hui, le glas est composé à la fois d’un tintement des quatre cloches (un coup par cloche, pendant cinq minutes) puis de la grande volée, entonnant un solennel Salve Regina (nom de l’accord des cloches) avant et après la célébration de la sépulture. Grâce à l’élan de la municipalité en place depuis 2014, elles sont désormais visible en point d’orgue d’un parcours de visite dans le village. Récemment, le clocher a été restauré pour lui rendre une belle apparence mais aussi pour accueillir plus sereinement un public toujours plus nombreux. Cerise sur le gâteau, les cloches viennent d’être nettoyées et polies, afin de donner une apparence presque rajeunie, même si les cloches sont presque toutes centenaires !
N° | Nom | Fondeurs | Année | Diamètre (cm) | Masse (kg) |
Note |
1 |
Marie Françoise | G&F Paccard | 1886 | 126,8 | 1263 | Mi ♭ 3 |
2 | Sainte Agathe | Louis Gautier | 1824 | 101,2 | 610 |
Sol 3 |
3 |
Lucie Joséphine | Frères Paccard | 1843 | 81,6 | 325 | Si ♭ 3 |
4 | Marie Cécile | Les fils de G. Paccard | 1950 | 76,2 | 275 |
Do 4 |
Anecdote : au début du XXe siècle, alors que l’Église et l’État divorçaient, le village de Queige était marqué par un fort anticléricalisme. Autrefois, a l’issue d’obsèques religieuses, les défunts étaient inhumés de manière à regarder l’église qui les surplombaient. Alors, les athées, enterrés « en libres penseurs » souhaitaient lui tourner le dos. De cette période subsiste cette tradition qui serait toujours en vigueur. En 1908, lors d’obsèques civiles, le fossoyeur -pour témoigner de sa colère- n’a même pas pris la peine de descendre le cercueil au fond de la tombe à l’aide de cordes : il l’a lâché et laissé tomber!
Mes sincères remerciements à M. Edouard Meunier, maire de Queige pour son aimable autorisation et son accueil plus que chaleureux ainsi que M. Jean-Louis Combaz, sacristain, pour l’ouverture du clocher. Je remercie également mes collègues Quasimodo (visite de 2015), Loris « Les Cloches Mauriennaises » et Aurélien Surugues (visite de 2020) pour leur collaboration et les chouettes moments d’amitié !
Sources :
Jean-Louis Vernaz
Edouard Meunier, maire de Queige
« Cloches du Beaufortain et d’ailleurs » Marie-Françoise Doucet, 2003
Inventaire personnel
Fonds privés
Voir aussi :
Mairie de Queige
Wikipédia
Eglise Sainte-Agathe de Queige
Ancienne vidéo de la sonnerie (réalisée le 31 octobre 2015)