Flumet – Eglise Saint-Théodule

Véritable carrefour des Aravis, Flumet est un village de 900 habitants entouré par des noms prestigieux : Albertville, Megève, ou encore les Saisies-Hauteluce. Carrefour de la route des Grandes Alpes (reliant le Léman à la Méditerranée) et celle des Aravis (reliant Albertville à Chamonix). La commune située en Savoie (73) est frontalière avec la commune de Praz-sur-Arly… en Haute-Savoie (74) ! Par le passé, Flumet a été l’une des entrées possibles dans la province du Faucigny qui possède son territoire exclusivement (ou presque!) dans l’actuel département haut-savoyard. En témoigne le château des Sires du Faucigny qui protégeait l’une des entrées de cette province. Par le passé, la commune a reçu de nombreuses faveurs : sa situation de carrefour stratégique lui donna d’Aymon II de Faucigny d’importantes franchises en 1228, confirmées par la suite par les seigneurs qui régissaient les lieux. Elles ont donné au bourg une grande autonomie. Il a malheureusement perdu de sa superbe le 16 mai 1679, lorsqu’un incendie le détruit ainsi que le château. Ce dernier ne sera jamais reconstruit. Il convient de préciser que lors du rattachement de la Savoie à la France, en 1860, Flumet avait son poste de douane car on était à la limite de la zone franche avec la Suisse. Au XIXème siècle, toute la vallée était marquée par un important réseau de contrebande. Depuis, Flumet a réussi à retrouver sa quiétude. Sa position proche de nombreuses stations donne du cachet à ce bourg préservé, malheureusement passé dans l’ombre d’autres villages que Flumet à fait naître.

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La paroisse de Flumet et son église sont très anciennes. Lors de l’établissement des prieurés de Megève, Héry-sur-Ugine et Ugine par les bénédictins de Saint-Michel-de-la-Cluse en 1085, il est mentionné que les religieux offraient un renfort à la paroisse de Flumet. Elle a elle-même donné naissance aux communautés de Saint-Nicolas-la-Chapelle, La Giettaz et Notre-Dame-de-Bellecombe fin XIVème siècle. En 1411, Flumet se retrouve desservi par sa fille, Saint-Nicolas. Mais cette situation ne sera que provisoire car dès 1517, une première chapelle est fondée dans l’église qui retrouvera son titre d’église-mère. En 1600, un « chapitre » est fondé en cette même église. Cependant, on ne pourra parler de collégiale (qui nécessite une approbation pontificale) pour les huit prêtres de ce chapitre, avec à sa tête un curé-plébain. Il sera dissous à la Révolution et ne sera pas restauré au Concordat.s
Le sanctuaire est caractérisé par son haut clocher massif et son intérieur aux fines décorations. La tour daterait du XIIème siècle et serait en fait une des tours d’enceinte de la ville. La nef, composée d’un bas-côté, est prolongée par un chœur profond sur deux étages : le premier avec l’autel et les stalles, le second avec le maître autel. L’église a été détruite en 1679 par l’incendie avant d’être reconstruite dans le style baroque. Elle possédait de nombreuses chapelles fondées par des familles et confréries. Son clocher, coiffé d’un bulbe, a été décapité à la Révolution Française avant d’être reconstruit plus sobrement au XIXème siècle. A l’intérieur du lieu de culte, le mobilier actuel et les décors valent le détour : de nombreuses fresques peintes comme la Cène ou les évangélistes. Notons aussi la présence d’une chaire en pierre et d’un retable baroque construit en 1809.

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Dissimulées derrière les abat-sons, les cloches sont au nombre de quatre. La plus grosse est celle qui retient le plus notre attention. Elle possède de multiples attraits : c’est une cloche historique, encore actionnée à la corde et jadis dotée d’un symbolisme fort. Fondue en 1736 par le lorrain Jean-Baptiste Chrétiennot, elle s’appelle « Théodula ». Tout d’abord en hommage au saint patron du village mais aussi à une cloche qui a jadis existé à Sion, dans le Valais (Suisse). La légende raconte que saint Théodule, premier évêque du Valais, a reçu du pape une cloche comme cadeau. Pour la transporter, il fit un pacte avec le diable. Ce dernier devait amener la cloche à Sion avant le premier chant du coq. Si il y parvenait, il pouvait emporter la première âme qu’il trouvera. Naturellement, on raconte qu’il est arrivé dans la capitale valaisanne bien trop tard. A partir du XVIème siècle, le chapitre utilisera cette légende pour marchander le métal de cette cloche… qui a en fait été fondue en 1334 pour se fêler 5 ans plus tard ! La cloche avait aussi -selon le même chapitre- la particularité d’éloigner les tempêtes. En témoigne d’ailleurs la phrase sur la cloche de Flumet « par mon patron, je fais fuir les tempêtes ».
Les trois petites cloches doivent en remplacer d’autres, détruites à la Révolution. On n’imagine pas une église dotée d’un chapitre sans une sonnerie importante, tout en considérant aussi le rang de Flumet par le passé ! Fondues sur place par Vallier & Gautier de Briançon, ces dernières interpellent par leur timbre caractéristique. Chaque cloche possède également ses maximes dans des styles différents. Pour la première, on retrouve les noms des conseillers municipaux et du curé de l’époque avec la phrase « attends de l’autre ce que tu lui as fait – la loi universelle, c’est celle qui nous fait vivre et mourir ». Elle nous apprend aussi que les trois cloches ont été bénites par l’abbé Neyre, curé de Thonon et natif de Flumet. La deuxième cloche de 1820 cite en latin une phrase tirée du chapitre 3 du livre des proverbes avant de conclure par un autre texte en français, se finissant par « mortel, tu le suivras peut-être cette nuit ». La petite cloche arbore deux versets du chapitre 8 du même livre des proverbes, ainsi que la phrase « et le verbe s’est fait chair » : une phrase récitée trois fois par jour, lors de la prière de l’Angélus.
Dans la travée de la seconde cloche, un ancien clavier rudimentaire trône encore là. Bien que la ligne nominale soit approximative entre la grosse cloche et les trois autres, il prouve qu’on carillonnait et qu’on espérait obtenir un accord majeur complété sol-la-si-ré. Au lieu de cela, la grosse cloche, un peu basse, fait naître un accord dit « Parsifal » en fa#-la-si-ré un peu faussé. Ajoutons que cet accord est apparu fin XIXème siècle dans les contrées germaniques, avant d’apparaître au milieu du siècle suivant dans nos clochers. Mais le clavier ne comporte non pas quatre mais six touches en bois : un agrandissement a-t-il été envisagé par le passé ?

Nom Fondeur Année Diamètre (cm) Masse (kg)

Note

1

Théodula JB Chrétiennot 1736 108,8 780 Fa♯3
2 Vallier & Gautier 1820 97,3 550

La 3

3

Vallier & Gautier 1820 85,7 350 Si 3
4 Vallier & Gautier 1820 73,8 250

Ré 4

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Mes remerciements à :
La mairie de Flumet et M. Pierre Ouvrier-Buffet, ancien maire et maire-adjoint.
La paroisse de Flumet, feu l’abbé Duval et l’abbé Bouchet, pour les sonneries spéciales.
Mes nombreux amis qu’ont m’ont aidé à la réalisation de ce reportage dont :
Dr Matthias Walter, expert-campanologue à Berne.
Me Pascal Krafft, expert-campanologue adjoint de l’archidiocèse de Strasbourg, pour les traductions latines.
Claude-Michaël Mevs, dit « Quasimodo » pour l’aide logistique et l’huile de coude lors de la sonnerie.
Aurélien Surugues, de Dijon.
Philippe Simonnet, de Sens.

Sources & Liens :
« L’église de Flumet » « Histoire de la Paroisse de Flumet« , Mollier
Relevé personnel
Me Pascal Krafft
Dr Matthias Walter
Clichés personnels
Relevé personnel

Un avis sur “Flumet – Eglise Saint-Théodule

  1. Un document très intéressant que nous garderons dans les archives de notre patrimoine. Nous évoquerons cette étude dans notre prochain bulletin municipal , si vous le permettez.
    Les photos sont lumineuses et les sonneries des cloches magnifiques.
    Merci!

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