Pour inaugurer mes périples au sud de la Savoie, dans la vallée de la Maurienne, j’ai choisi un lieu chargé d’histoire : la collégiale de La Chambre. Cette commune se situe dans un écartement de la vallée, crée non seulement par l’Arc mais aussi par le Glandon et le Bugeon, qui ont taillé dans la montagne deux vallées perpendiculaires. Le millier d’habitants qui forme la commune se concentre autour de son bourg, au sud du territoire communal. Au nord, ce sont principalement des forets et des champs. Cette « délimitation » est marquée par le torrent du Bugeon.
L’église paroissiale bénéficiait avant la Révolution du titre de collégiale : c’est à dire qu’elle était administrée non pas par un simple curé ou archiprêtre mais par un « collège » de chanoines. Ce titre lui permettait de rayonner et d’avoir préséance sur les églises alentours. Mais avant la Révolution, la Chambre, c’était aussi une place forte : c’était sur ces terres que s’est implantée une famille puissance, capable de rivaliser durant le Moyen-Age avec la future famille de Savoie. Cette même famille, portant le titre de « Vicomte de Maurienne », laissera sa place au XVème siècle à la famille des Seyssel, qui porteront le titre de « comtes de La Chambre ». Ces mêmes seigneurs obtiendront du pape Léon X la dignité de collégiale pour l’église Notre-Dame en 1514. Deux siècles auparavant, une communauté de franciscains s’installent sur la commune, toujours avec la bénédiction du pape régnant et des seigneurs locaux. A la Révolution, ils sont remerciés par les Révolutionnaires et leurs bien sont vendus. Si l’église sera rendue au culte paroissial une fois le Concordat signé, le couvent sera lui rendu à la vie civile, ce qui, malheureusement, aura raison de son unité architectural. Il attend aujourd’hui des jours meilleurs, en bénéficiant par exemple d’une restauration d’envergure. Au XIXème siècle, le village se tourne vers un nouvel avenir industriel et agricole avec l’installation d’usines à produits chimiques, au bord de l’Arc. Le secteur permet aussi la production de fromages de la région : il ne sera donc pas anormal de croiser quelques vaches dans les prés verts de la Chambre !
L’église Saint-Marcel, anciennement collégiale, remonte au XIème siècle : Artaud, évêque de Maurienne, cède l’église au prieuré Saint-Michel de la Cluse (aujourd’hui en Italie) pour y fonder un monastère bénédictin. Originellement sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption, c’est en 1514 qu’elle prit le vocable de saint Marcel, lors de son élévation au rang de collégiale. Des éléments de l’église antérieurs à cet élément, il reste le superbe portail roman daté du XIIème siècle. En s’en approchant, avant de pénétrer dans l’édifice, on peut constater la finesse de ses sculptures, d’autant plus impressionnantes en considérant les difficultés liées à l’histoire ! L’intérieur de l’édifice montre un édifice néoclassique, très certainement remaniée après la Révolution. On raconte en effet que la plus grande partie de l’édifice date de 1688, avec un remaniement important en 1802.
La sonnerie est composée de quatre cloches : dans la région, il est fréquent de les voir depuis le bas. Contrairement au sud de la France, elles ne sont pas arrimées à la maçonnerie mais sur un beffroi afin de garantir la stabilité du clocher. La plus grosse cloche, côté nord, est la plus ancienne : elle date du XVIIIème siècle ! C’est une surprise car elle ne figure dans aucun inventaire, alors que d’autres éléments du lieu de culte sont classés ! Ses inscriptions latines nous donnent plusieurs indications : protégeant de la foudre et des tempêtes, elle est sous la protection de saint Marcel, protecteur des lieux. Plus en bas de sa robe, un nom et une date : Jean-Baptiste Chrétiennot, 1733. Ce fondeur est déjà connu : d’origine lorraine, il a sillonné l’actuelle France pour couler des cloches. Il en reste hélas très peu en Pays de Savoie.. Cette cloche a survécut à la Révolution Française, mais pas les autres : on recensait cinq cloches à la Collégiale et trois au couvent des Cordeliers à la Révolution. Six d’entre elles ont été envoyées à la casse pour un poids total de 2445 livres.
Pour accompagner la grosse cloche de 1733, les trois petites cloches sont résolument plus modernes : elles ont été fondues en 1955 par la fonderie Paccard d’Annecy-le-Vieux. La raison est simple : la sonnerie ne convenait plus et les cloches étaient fragilisées par le temps. Alors une souscription s’organise : l’engouement est tel que l’argent permet d’électrifier la sonnerie après son installation. Chaque cloche est ainsi nommée, possède un parrain et une marraine, ainsi qu’une « maxime » : la seconde cloche « sonne pour que la lumière du Christ se répande sur le monde », la troisième pour que la « charité du Christ règne entre les hommes » et la petite, enfin, indique cette phrase bien connue « qu’elle pleure ou qu’elle chante, ma voix toujours prie ». Ces quatre cloches sonnent ensemble un agréable motif bien répandu dans les églises parisiennes : elles reprennent en effet les quatre premières notes de la gamme. D’ailleurs, à l’étage d’en dessous, trône encore le clavier de carillon, à l’époque où les cloches étaient mues manuellement. Pour les fêtes, il fallait relier les battants à ce clavier pour y jouer des mélodies.
N° |
Nom | Fondeur | Année | Diamètre (cm) | Masse (kg) |
Note |
1 |
saint Marcel | J.B. Chrétiennot | 1733 | 105,8 | 700 | Sol 3 |
2 |
Fernande Elise | Paccard | 1955 | 90 | 450 |
La 3 |
3 |
Ernestine Jeanne | Paccard | 1955 | 80,5 | 325 | Si 3 |
4 | Pierrette Bernadette Henriette Marie Madeleine |
Paccard | 1955 | 76,2 | 275 |
Do 4 |
Mes remerciements à la Municipalité de la Chambre : à son maire, M. Gérard Durieux pour l’aimable autorisation et à M. Robert Piloni, adjoint, pour le chaleureux accueil et son précieux temps. Remerciés soit aussi Claude-Michael Mevs, dit « Quasimodo« , fidèle ami toujours prêt à donner un coup de main et Loris Rabier, passionné du secteur qui gravissait alors son premier clocher !
Sources & Liens :
La Chambre
Mairie de la Chambre
Collégiale de la Chambre
Fonds privés
Clichés personnels