C’est au cœur du Val d’Arly qu’est installé le village de Saint-Nicolas-la-Chapelle. Ses 430 habitants, répartis entre le chef-lieu et quelques hameaux, sont tous sur la rive droite de l’Arly qui rejoint l’Isère à Albertville. La commune est dépendante du diocèse d’Annecy, couvrant (presque) toute la Haute-Savoie. La commune partage avec Flumet une station de ski. Nous sommes d’ailleurs non loin des nombreuses stations du Mont-Blanc, proche des villes olympique d’Albertville et de Chamonix. De nombreux films ont été tournés en ces lieux. Nous citerons par exemple la Jeune Fille et les Loups. Le territoire étendu de la commune, situés entre le torrent du Flon et le nant de la Coufa offre de nombreuses randonnées contre le Massif des Trois Aiguilles, qui délimite les deux départements savoyards.
Creusé par le Grand Nant, le Vallon de Chaucisse est situé à huit kilomètres du chef-lieu de la commune. Au XVIIIe siècle, les habitants, pauvres et usés de faire toute cette route régulièrement demandent au curé l’érection d’une nouvelle paroisse. La demande est refusée en 1775 par le Rd Crottet, curé de l’époque. En 1815 Joachin Dumax, natif du lieu, rentre de Paris laissant derrière lui une grande carrière de rentier et de cuisinier. Stupéfait par la pauvreté du lieu et par la fatigue des habitants, las de la route périlleuse qui mène au village en hiver, décide d’offrir sur ses deniers la construction d’une école et d’une chapelle, consacrée en 1818. En 1827, l’évêque d’Annecy reconnaît la grandeur des lieux et accepte l’érection d’une nouvelle paroisse, sous la protection de saint François de Sales, saint patron des diocèses d’Annecy et Chambéry. Le premier curé s’y installe le 12 août 1827. A l’intérieur, l’église possède un remarquable décors baroque, que je recommande à la visite. Il se compose d’un maître autel et de trois chapelles latérales. La dernière est dédiée à la Vierge et a été ajoutée bien après la construction de l’édifice, ce qui explique sa position sous la tribune. Cette dernière abrite un orgue classé. Pour la petite anecdote, c’est un évêque qui a pu l’amener sur sa charrette. A l’époque, la Savoie n’étant pas Française, il fallait passer la douane… c’est grâce à son rang ecclésiastique qu’aucun frais n’a été payé par la paroisse, car les douaniers n’ont pas fouillé les bagages de Monseigneur !
Depuis quelques années, l’église est propriété de la commune. Autrefois possession des habitants du lieu, c’est à eux que nous devons son entretien courant. La dernière étape était la façade et le toit, en 2011.
C’est une sonnerie des plus intéressantes qui se loge dans le clocher à bulbe. Elle est le fruit de deux grandes familles de fondeurs de cloches : les Paccard et les Gautier. En 1820, pour la chapelle flambant neuve, les fondeurs Jean-François et Louis Gautier, natifs de Briançon et habitant de la cité de Conflans, sont mandatés par la municipalité pour la fonte de deux cloches : la première prendra le nom de « Joachine » en hommage au fondateur de la nouvelle paroisse, et l’autre cloche Marie-Françoise. Seule cette dernière existe encore aujourd’hui. Les archives mentionnent également la fonte d’une cloche livrée pour le 1er mai 1820 d’un poids de six quintaux, probablement « Joachine ». En 1829, une nouvelle cloche est fondue pour le clocher. En 1867, la paroisse offre par souscription au près des habitants de Chaucisse mais aussi des villageois expatriés une grosse cloche de plus de 900 kilos. Nommée « Alexandrine » par sa marraine, la cloche connut une arrivée épique. Depuis le Col des Aravis, « frontière » entre la Savoie et la Haute-Savoie, elle connut des passages parfois risqués pour rejoindre son village. Ensuite, un pont a été construit entre le clocher et la montagne pour que la cloche gagne le beffroi, son emplacement définitif. En 1885, la petite cloche fondue en 1829 et « Joachine » retournent à Annecy-le-Vieux, pour revenir plus belle encore et augmentée. On donnera à la petite cloche le nom de « Salésienne » en l’honneur du saint patron de la paroisse, rappelant le surnom de la plus grosse cloche du diocèse, à l’église Notre-Dame-de-Liesse d’Annecy. Notons la différence de poids entre ces deux cloches : 100 kilos à Chaucisse, 5100 à Annecy !
Aujourd’hui encore, les cloches sont sonnées à la corde. Elles annoncent les quelques messes annuelles mais aussi les décès dans le village, à toute volée. La grande cloche est équipée d’un marteau, reliée à une horloge Odobey Cadet. Il arrive parfois, lorsque le mouvement est régulièrement remonté, de l’entendre tinter les heures et demi. Rappelant que même en montagne, dans un vallon presque encaissé, l’église est encore au centre du village et marque le temps qui passe.
Nº | Nom | Fondeur(s) | Année | Masse (kg) | Diamètre (cm) | Note |
1 | Alexandrine | Frères Paccard | 1867 | 950 | 118,7 | Fa 3 |
2 | Joachine | G&F Paccard | 1885 | 500 | 95,5 | La ♭ 3 |
3 | Marie-Françoise | J-F & L Gautier | 1820 | 200 | 69,5 | Ré 4 |
4 | La Salésienne | G&F Paccard | 1885 | 100 | 58,7 | Mi 4 |
Mes remerciements à Mme Bonneville Françoise, ancienne adjointe au maire, pour le premier accès au clocher. Pour le second accès, j’adresse mes remerciements à M. Jean-Claude Brun, adjoint, pour l’accord et à M. Luc Dumas, ancien conseiller, pour l’accès au clocher.
Je remercie également toute la paroisse de Chaucisse pour les accueils toujours adorables, y compris en juin 2019 à l’occasion de la Journée du Patrimoine de Pays, ou nous avons pu parler des cloches et les sonner. A refaire !
Mention à mes amis qui ont su eux aussi s’accrocher aux cordes lors de mes visites, à savoir : Claude-Michael Mevs « Quasimodo« , Dominque Fatton « Valdom68« , Aurélien Surugues & Anthony Gerfaud, organiste-carillonneur de Megève.
Sources :
Relevé personnel
Fonds privés
Mairie de Saint-Nicolas-la-Chapelle
Paroisse Sainte-Anne en Val d’Arly