Présilly – Eglise Saint-Clément

Un lieu chargé d’histoire
Présilly est une commune de 800 habitants dont la quiétude est très recherchée par une grande partie de travailleurs frontaliers passant quotidiennement la frontière pour se rendre à Genève. Les pentes douces du Mont Sion offrent un magnifique panorama sur la ville helvétique avec en toile de fond le Jura mais aussi sur les belles falaises savoyardes du Salève. Présilly est aussi une commune avec un lourd passé religieux. Les personnes les plus aguerries de l’histoire s’arrêteront déjà sans doutes sur le « Mont Sion », petite montagne reliant les pentes du Salève à celles du Vuache, ou aussi, géographiquement, Annecy et Genève. Le Mont Sion, montagne de Jérusalem, est en effet très importante dans la religion chrétienne. Mais il ne faut probablement pas faire de lien entre ces deux montagnes. Le nom de Sion est en effet très rependu dans la région : la ville de Sion, en Suisse, est la capitale du Valais. Il y avait aussi une commune dénommée Sion près d’Annecy, aujourd’hui partie intégrante de Vallières-sur-Fier. Cette dernière tirerait ce nom de l’époque romaine. Lors de fouilles pour la construction de la nouvelle autoroute, un site romain complet a été découvert à Présilly. Non loin des fouilles a été édifié au XIIème siècle sous le règne du pape Alexandre III la Chartreuse de Pomier. Il s’agit alors du troisième monastère fondé dans le diocèse par cet ordre, toujours en activité et réputé pour sa boisson digestive iséroise. La chartreuse a bénéficié de nombreux appuis pour prospérer, notamment avec la bienveillance des comtes de Genève. Le monastère disparaîtra à la Révolution et ses biens seront dispersés dans les églises alentours. Quelques bâtiments subsistent aujourd’hui et ont accueillis diverses activités avant d’être aujourd’hui destinés à des réceptions ou des séminaires.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Une paroisse dédiée à saint Clément
N’oublions cependant pas que Présilly est aussi et avant tout une paroisse. Ses fondations sont probablement anciennes car lors de la création de la chartreuse, on rattache l’église de Présilly à celle-ci au grand désespoir du doyenné de Vullionnex qui jouissait jusqu’alors des droits de la paroisse. Cette dernière s’est placée sous la protection de saint Clément, cas unique dans le diocèse d’Annecy. Clément de Rome est selon la tradition le 4ème pape de la chrétienté, mort en martyr jeté dans la mer, une ancre autour du cou. Cette représentation fait d’ailleurs figure dans le chœur de l’église actuelle, au dessus du maître autel. Cette église -parlons en- a été reconstruite au début du XIXème siècle. En 1827, le conseil constate que le bâtiment et tout particulièrement son clocher sont en très mauvais état : les cloches mettaient en péril l’ensemble. Le conseil dissertait au début de réparations, mais l’accroissement de la population pousse les élus à décider sa reconstruction. Cette décision est validée le 2 mai 1835 et la première pierre est solennellement bénie par l’abbé Greffier, curé de Carouge, le 15 juin 1836. Le 13 octobre 1839, Mgr Rey, évêque d’Annecy, procède à la consécration du sanctuaire devant plusieurs prêtres et une assistance nourrie. Le curé raconte dans les registres que même des genevois sont venus prendre part à cette grande cérémonie. L’église aura donc coûté au total 17’120 livres neuves. Une petite partie de la somme provient de dons. On a réutilisé certaines pierres de la chartreuse de Pomier et de l’ancienne église pour construire la nouvelle. Mais lors des travaux, le clocher s’est effondré avant même d’être achevé car mal construit. En 1870 déjà, des fissures apparaissent et des contreforts seront installés en 1880 pour garantir la stabilité du monument. La fresque évoqué plus haut, mettant en avant saint Clément, date de 1936 et en remplacerait au moins une autre. L’église possède en outre deux retables latéraux, dédiés au Sacré-Cœur et à la Vierge Marie.

Une cloche aux origines mystérieuses
La cloche médiane de Présilly comporte les inscriptions suivantes :

IHS MARIA Mre CLAUDE ANTHOINE PALATIN DE DYO COMPTE DE MONTMORT PARRAIN HAVTE &
PVISANTE ELEONOR DAMAS TIENGE SON AYEVLLE PATERNELLE MARRAINE 1 6 5 5

Cette cloche est un véritable mystère ! Seulement datée mais non signée, cette vénérable dame de bronze n’est -pour l’heure- pas inscrite aux monuments historiques, comme le doit l’être toute cloche de sa trempe. Ses deux lignes reproduites ci-dessus devraient nous aider à la comprendre. Et bien non ! Les seules informations qu’on nous donne sont son parrain et sa marraine, Claude-Anthoine Palatin (~1645 – 1722) et sa grand-mère paternelle, Eleonore Damas Tienge. Ces deux personnalités ont été très influentes à leur époque… en Bourgogne ! Plus précisément en actuelle Saône-et-Loire. Ils y possédaient de nombreux titres : Comtes de Montmort, Seigneurs d’Essenlsey, de Rochefort… Mais rien en lien avec nos contrées. Notons bien qu’à l’époque, la Bourgogne et les Pays de Savoie n’avaient plus de rapports entre eux. Un autre barrage à la compréhension de cette cloche est son auteur et une éventuelle dédicace : la cloche n’est pas signée et ne possède qu’en décors le blason de la famille et une simple croix. Il n’est fait aucunement mention d’un saint et d’un lieu. L’inscription « IHS MARIA » (comprendre Jésus et Marie) est commune à de nombreuses cloches à l’époque et n’est en rien un indice. De nombreuses hypothèses émergent :

  • La cloche a-t-elle vraiment été fondue pour Présilly ? Cette possibilité est peu probable car pourquoi avoir eu comme parrain et marraine deux personnes comtes et seigneurs de terres à plus de 200 kilomètres de là ? La Chartreuse de Pomier, quant à elle, ne possédait que trois cloches (une grosse et deux petites) qui ont été toutes trois envoyées à Carouge. Si les deux plus petites ont purement et simplement disparues, la plus grosse loge encore dans le clocher de l’église Sainte-Croix de cette même cité. Fondue au XVIIème siècle par Christophe Aubry, une majeure de ses inscriptions ont malheureusement été limées dont sa date, comme une tentative de faire « table rase » de son passé présillien. De plus, elle produit exactement la même note de musique que notre mystérieuse cloche (à savoir le « la » du diapason).
  • La cloche a-t-elle été fondue pour un autre clocher du secteur ? A la Révolution, en Pays de Savoie, très peu de cloches ont été cassées par les Révolutionnaires. Le Concordat n’était même pas signé que les différentes paroisses retournaient au dépôt pour récupérer « leur » cloche(s)… ou plutôt une cloche plus grosse sans se soucier de sa provenance initiale ! C’est ainsi que de nombreuses cloches ont été installées dans un autre clocher, mais au maximum à quelques dizaines de kilomètres de distance… Et cette hypothèse se heurte une nouvelle fois à la présence, en terres savoyardes, de seigneurs bourguignons.
  • La cloche aurait elle été déplacée ? Et pourquoi ? Comment expliquer un tel voyage ? Et dans quel but ?

Il va de soi que la dernière hypothèse, même si elle semble la plus extraordinaire, reste la plus probable car cette famille n’est à l’époque absolument pas associée à la région. Nous espérons trouver toutefois l’origine véritable de cette cloche avec, vœu pieu, l’explicatif de sa venue ou de la présence des parrain et marraine à Présilly en 1655. Les archives départementales de Saône-et-Loire ont bien voulu -et je les en remercie- creuser le sujet en étudiant les fontes de cloches sur les communes où jadis les seigneurs avaient juridiction : aucun indice laisse supposer la fonte d’une telle cloche.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Une troisième cloche au clocher
Le beffroi en bois est jadis conçu pour deux cloches : celle de 1655 et une autre, plus grosse, fondue en 1859 par les frères Paccard. Cette cloche d’environ 800 kilos bat les heures depuis plus d’un siècle : en témoignent quelques reliques d’un marteau de tintement. L’horloge mécanique, quant à elle, a purement et simplement disparue depuis l’électrification des cloches en 1948. C’est d’ailleurs à cette date qu’a été installée « Marie Josèphe ». Cette cloche d’environ 325 kilos permet d’étoffer les sonneries dans ce petit village. Pour mener à bien le projet, il fallut retravailler le beffroi et déplacer la cloche moyenne. Ce fut chose faite le 12 juillet, signatures sur le beffroi à l’appui. La cloche fut en effet bénite la veille par Mgr Auguste Cesbron, évêque d’Annecy « à la gloire de Notre Dame des Rapes ». Outre son parrain et sa marraine, elle arbore fièrement le nom de deux évêques originaires du diocèse : Mgr Duval, évêque d’Hippone (Algérie), futur cardinal et Mgr Socquet, futur archevêque de Ouagadougou (Burkina-Faso). La cloche « appelle les vivants, pleure les morts et brise la foudre ».

Nom Fondeur Année Diamètre (cm) Masse (kg) Note
1 Paccard frères 1859 110,3 ~800

Fa3

2

inconnu 1655 86 ~350 La 3
3 Marie Josèphe Fonderie Paccard 1948 80,8 ~325

Si 3

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Remerciements :
La mairie de Présilly et plus particulièrement son maire, Nicolas Duperret.
M. Claude Mégevand, président de la Salévienne, pour l’organisation de la visite.

Sources & Liens :
Mairie de Présilly.
Sur le versant du Salève : la chartreuse de Pomier / Abel Jacquet, 1980.
Inventaire de M. Auguste Cahorn, 1888 – Archives diocésaines d’Annecy.
Archives départementales de Haute-Savoie – E-DEPOT 216.
Archives départementales de Saône-et-Loire.
Relevé personnel.
Clichés personnels (sauf mentionné).

Laisser un commentaire