
Chamonix-Mont-Blanc est probablement l’une des communes savoyardes les plus estimées dans le monde. C’est sur son territoire même que se dresse le Mont-Blanc -toit de l’Europe-, l’Aiguille du Midi ou encore la Mer de Glace. Ce haut lieu touristique abrite des pans entiers de l’histoire de l’alpinisme en plus d’un riche passé patrimonial. Ce sont MM. Michel Paccard et Jacques Balmat qui ont pu atteindre le toit de l’Europe en 1786. Aujourd’hui, une des principales rues chamoniardes porte le nom du Dr Paccard et un des établissements scolaires porte le nom de son compagnon de cordée, Jacques Balmat. Dès lors, le Mont-Blanc est gravi par des alpinistes confirmés ou non venant du monde entier. Maurice Herzog, député-maire de Chamonix de 1968 à 1977, est le premier homme à avoir gravi l’Annapurna. C’est la première fois qu’une expédition entière parvient à atteindre un sommet de plus de 8’000 mètres.
Une grande partie des historiens se pencheront volontiers sur l’évolution des funiculaires, des téléphériques, du tourisme ou encore des premières ascensions des différents sommets des Alpes. Ceux qui aiment également les vielles pierres n’hésiteront pas à pousser les lourdes portes des églises Saint-Michel -vestiges d’une abbaye-, Saint-Pierre d’Argentière ou encore celles de la chapelle Saint-Bernard des Praz. Les lignes suivantes vous permettront de franchir des portes dérobées accessibles pour une poignée de personnes : celles des clochers chamoniards.

L’église Saint-Pierre d’Argentière est un véritable bijou de l’art baroque savoyard, architecture symbole de la Contre-Réforme insufflée par saint François de Sales. Construite à partir de 1724, elle avait pour but de soulager les paroissiens d’Argentière qui devait parcourir des kilomètres avant de rejoindre le Prieuré Saint-Michel de Chamonix. C’est Mgr Roussillon de Bernex, évêque d’Annecy, qui consacre l’édifice le 23 octobre 1727. Cette consécration marque la scission entre les deux lieux. Scission qui n’a duré qu’un temps puisque les deux bourgs sont sous la responsabilité du même curé et du même maire.
Le sanctuaire baroque a donc été élevé en trois ans sous les plans de maçons originaires du Lac de Côme, en Lombardie. En 1860, on note son agrandissement d’une travée et la création d’une nouvelle façade. En 1912, le bas-relief du retable est classé Monument-Historique. Il représente l’adoration des Mages. Un ostensoir en argent le sera aussi en 1963. Entre 1965 et 1967, une grande campagne de restauration a lieu à l’intérieur du lieu de culte, dans le but de le rajeunir tout en conservant son caractère baroque. Le bulbe du clocher suivra en 1987 avec une nouvelle couverture, non plus en cuivre mais en fer blanc étamé.
A l’intérieur de ce clocher logent quatre cloches. Toutes datées de 1824, il est certain qu’elles en remplacent d’autres, fondues avant la Révolution. Hélas, aucune archive connue ou aucun indice -autres qu’une logique certaine- nous permet de les évoquer. Les quatre cloches actuelles sont l’oeuvre de deux fondeurs originaires de la vallée de la Clarée -près de Briançon- : Louis Gautier, accompagné des frères Vallier. Curieusement, seule la plus grande porte les deux patronymes. Les autres ne portent que la mention de Louis Gautier dans une signature très sobre « GAUTIER ME FECIT 1824« . De grands travaux eurent lieu durant l’électrification : pose de nouveaux jougs et beffroi en acier, changement partiel de battants et tournage de la seconde cloche d’un quart de tour (afin d’éviter une éventuelle fêlure par l’usure). Cette cloche possède aujourd’hui un moteur et un battant neufs. Toutes les cloches portent des traces d’accordage plus ou moins visibles, preuve ultime que la sonnerie a l’harmonie discutable encore aujourd’hui a été corrigée. Cependant, les cloches n’ont pas quitté le clocher car ces traces montrent que l’opération a été réalisée au burin et non avec une machine qui gratte délicatement l’intérieur de la cloche. Si les trois petites cloches égrènent distinctement le motif dit du « Gloria« , la plus grande cloche demeure aujourd’hui un quart de ton trop haute. Mais qu’importe puisque cette dissonance se révèle être un atout supplémentaire pour cette sonnerie, même si il est évident qu’elles ne pourront se retrouver dans un carillon à l’avenir !
N° | Fondeur(s) | Année | Masse (kg) | Diamètre (cm) | Note |
1 | Vallier & Gautier | 1824 | 800 | 110,5 | Fa 3 |
2 | Gautier | 1824 | 650 | 102 | Sol bémol 3 |
3 | Gautier | 1824 | 450 | 90 | La bémol 3 |
4 | Gautier | 1824 | 280 | 78,1 | Si 3 |
Mes remerciements pour la visite du clocher au chanoine Vigliano, curé de la paroisse, pour son aimable autorisation et à Madame Michèle Charlet pour m’avoir ouvert le clocher. Je remercie Gideon Bodden, carillonneur d’Amsterdam, et François-Xavier dit « le sonneur de cloches » en charge de l’ensemble campanaire de Sainte-Anne-d’Auray pour leur étroite collaboration.
Sources & liens :
Eglise Saint-Pierre d’Argentière
Chamonix-Mont-Blanc
Office du Tourisme
Paroisse de Chamonix