Au cœur du Genevois français, la commune de Jonzier-Épagny réunit les territoires de deux anciennes paroisses, Jonzier et Épagny-sous-Chaumont, unies lors du Concordat. Située entre les monts Vuache et Sion, elle s’établit sur une ancienne moraine glaciaire déposée par le Rhône il y a environ 10 000 ans. Le village s’organise autour du bourg — ancienne paroisse de Jonzier — complété par plusieurs hameaux : Épagny, Les Barraques et Vigny. La paroisse d’Épagny, bien que disparue, a fait l’objet d’une étude approfondie à l’occasion de la construction d’un lotissement en 2019. On craignait alors que les derniers vestiges de l’ancienne église, dissimulés dans une ferme, ne disparaissent à jamais. L’étude, menée par Dominique Miffon pour La Salévienne, a révélé de nombreux éléments intéressants. Toujours modeste — ne comptant que quelques feux —, la paroisse a connu plusieurs vocables au fil du temps : saint Martin, puis saint Vincent, et enfin saint Sébastien. Les visites pastorales des évêques de Genève témoignent de sa pauvreté, l’église étant régulièrement décrite comme sommaire, voire délabrée.
En revanche, la paroisse de Jonzier, dédiée à saint Maurice, n’a pas connu le même destin. Tandis que les évêques déploraient la misère d’Épagny, ils louaient le dynamisme de Jonzier, où le curé se montrait zélé et les paroissiens exemplaires de piété. Cela n’empêchait pas l’église de nécessiter des réparations, ni d’être le théâtre d’événements intrigants, comme ces mystérieuses « effusions de sang » mentionnées lors d’une visite. En 1782, la toiture de l’église est endommagée et doit être restaurée ; en 1844, le bâtiment est déclaré vétuste et une reconstruction s’impose. La paroisse d’Épagny, pourtant réunie à Jonzier sur le plan spirituel depuis le Concordat, refuse de céder ses biens pour financer les travaux. Malgré cela, entre 1848 et 1849, un nouvel édifice néoclassique sarde est érigé, dédié à saint Maurice. Il est consacré le 28 avril 1852 par l’évêque d’Annecy. Ce bel édifice, toujours bien conservé, incarne encore aujourd’hui l’esprit du XIXe siècle. Dans les années 1860, le projet de réunification administrative des deux communes prend forme. Mais de lourdes dépenses s’annoncent aussi avec le rattachement de la Savoie à la France : école-mairie, fontaines, pompe… et même un nouveau clocher ! En effet, la tour construite avec l’église ne respectait pas les plans initiaux et doit être reconstruite en 1861. Finalement, en 1866, les deux communes ne forment plus qu’une, malgré les protestations d’Épagny, qui perd non seulement son autonomie spirituelle, mais aussi son pouvoir exécutif, le chef-lieu étant désormais fixé à Jonzier. L’église Saint-Maurice, quant à elle, connaît plusieurs restaurations, conservant à chaque fois son caractère d’origine et ses beaux décors. En 2019, elle s’enrichit d’un symbole fort : une statue de saint Sébastien, seule relique rescapée de l’église d’Épagny, est intégrée à l’édifice. Ce petit saint devient alors le trait d’union entre Jonzier et Épagny-sous-Chaumont, deux paroisses désormais réunies dans la mémoire comme dans les murs.
Les cloches d’Épagny restent mal connues, tant les archives sont silencieuses à leur sujet. On sait seulement qu’à la Révolution, les cloches d’Épagny et de Jonzier furent descendues, les clochers abattus et les beffrois brûlés. En 1816, une petite cloche de deux quintaux à peine est refondue par Jean-Baptiste Pitton, à Carouge. Selon ses inscriptions, c’est « Jean Morad » — certainement Morard ? — qui en finança la fonte. Le parrain est Pierre Alphonse Guillerme, et la marraine, sa sœur Jeanne Louise. Fait notable : l’inscription ne mentionne que la « paroisse de Jonzier », ce qui pourrait témoigner d’un refus d’Épagny de participer à son financement. En 1861, cette unique cloche est jugée trop faible : son tintement est inaudible, notamment dans les hameaux d’Épagny et de Vigny. On envisage alors l’acquisition d’une cloche de 1 000 kg pour lui répondre. Finalement, en août 1864, deux nouvelles cloches, fondues par les ateliers Burdin de Lyon, viennent compléter la sonnerie de la nouvelle tour. Ces deux cloches ne portent que des noms : ceux des nombreux parrains et marraines, des maires des deux communes (alors encore distinctes), ainsi que du curé et de son vicaire. Bien que leur achat ait été prévu et budgété, il laisse la commune endettée. Les archives témoignent qu’en 1865, le poids de la grosse cloche, prévu pour 1 000 kilos, atteint en réalité 1 223 kg ! Une tuile pour la commune de Jonzier qui hérite d’une somme bien plus importante à payer et qui, visiblement, ne peut pas compter sur sa voisine Épagny, déjà réticente à honorer cette dépense… En 1867, la commune fusionnée se trouve dans l’incapacité de payer le fondeur et cherche des solutions, allant jusqu’à envisager la vente de certains biens communaux, comme l’ancien cimetière d’Épagny. Jean-Baptiste Morard, parrain de la petite cloche Burdin, avança lui-même le beffroi supportant les trois cloches ! Les archives ne précisent pas si la dette fut un jour réglée, mais la présence intacte des cloches laisse supposer une issue heureuse, tant pour la commune que pour le fondeur. Encore aujourd’hui, les deux grandes cloches Burdin résonnent en réponse à la plus modeste cloche Pitton. Bien que trop fragile pour être motorisée en volée, cette dernière participe encore aux carillons lors des mariages ou des baptêmes, accompagnant ses grandes sœurs dans une belle harmonie patrimoniale.
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N° |
Fondeur | Année | Diamètre (cm) | Masse (kg) | Note |
| 1 | Burdin Ainé | 1864 | 123,7 | 1’223 |
Ré♯3 |
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2 |
Burdin Ainé | 1864 | 103,5 | ~700 | Fa♯3 |
| 3 | Jean-Baptiste Pitton | 1816 | 57 | ~105 |
Ré♯4 |
La cloche Pitton de 1816 :
Les deux cloches Burdin de 1864 :
Mes remerciements à :
M. Joseph Duparc, ancien maire et sacristain, pour l’ouverture du clocher et les sonneries spéciales.
M. Michel Brand, membre de la Salévienne et ancien élu d’Archamps, pour l’organisation du rendez-vous.
Sources & Liens :
« Epagny-sous-Chaumont, petite histoire de l’antique paroisse », Dominique Miffon aux Echos Saléviens n°29 – La Salévienne, 2022
La Salévienne
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