Installée sur les pentes orientales du Vuache, la commune de Savigny s’organise en sept hameaux entourant le « chef-lieu », constitué d’habitations regroupant l’église, le cimetière, l’école et la mairie. La majeure partie du millier d’habitants réside dans le hameau de Murcier, situé au nord du centre administratif du village. La paroisse de Savigny, devenue commune, tire son nom du latin Sabin(i)us, probablement en mémoire d’un propriétaire romain qui y aurait établi une villa. Ce toponyme est d’ailleurs assez répandu en France et en Suisse voisine : on recense plus d’une trentaine de localités nommées Savigny en territoire francophone (communes et hameaux), sans oublier de nombreuses variantes comme Sévigné ou Chavigny. Notre Savigny haut-savoyard fut aussi le siège d’une seigneurie et connut l’existence d’un château féodal situé à 200 mètres de l’église Saint-Denis. Ce manoir, passé entre plusieurs familles, passa ensuite entre des mains privée, d’abord une ferme puis une propriété privée.
La position de l’église surprend : pourquoi un tel emplacement, éloigné des hameaux de la commune ? Il est certain qu’il ne s’agissait pas du lieu de culte primitif, mais peut-être d’un compromis entre les habitants. On pourrait dire, en souriant, qu’à Savigny, on a su « mettre l’église au milieu du village » ! La tradition rapporte qu’une ancienne chapelle dédiée à saint Martin aurait existé au hameau d’Olliet, mais aucun écrit ne le confirme. Dès l’an 1000, la paroisse devient une dotation de Guy de Faucigny au prieuré de Saint-Oyen (aujourd’hui Saint-Claude, dans le Jura). L’ancienne église était orientée à l’est. Au XVe siècle, alors qu’elle est placée sous le vocable de saint Antoine, une chapelle y est fondée par Jean de Menthon-Lornay, chanoine de Genève. De cette époque subsiste une fenêtre gothique en façade de l’église actuelle. Au siècle suivant, le sanctuaire passe sous la protection des saints Denis et Madeleine, annonçant peut-être une reconstruction partielle ou totale du bâtiment. Deux autres chapelles complétaient alors le lieu de culte. Lors de la Révolution, Savigny ne fit pas exception : l’église fut dépouillée et malmenée. Après le Concordat, elle continue tant bien que mal à servir de lieu de culte, bien que jugée petite et délabrée. Les propositions de reconstruction se multiplient, mais le conseil municipal préfère des réparations. C’est finalement l’arrivée du curé Briffod qui change la donne. Ce jeune prêtre dynamique, natif de Lucinges, parvient à convaincre les élus de reconstruire l’église, alors que la population avait doublé. Une imposition extraordinaire est votée pour les années 1828, 1829 et 1830 afin de réunir 1 800 francs. Entre-temps, le curé sollicite un devis auprès de l’architecte Amoudruz, qui propose une nouvelle église pour 12 600 francs. Pour atteindre cette somme, toute la population se mobilise : des dons affluent, et les habitants s’engagent à aider à la construction, au transport des matériaux, voire à l’hébergement des ouvriers. Le clocher est conservé, mais l’église est inversée : jadis porte d’entrée de l’édifice, la tour se retrouve désormais derrière le chœur, intégrée au bâtiment, avec la sacristie attenante. On ignore la date exacte de construction du clocher, mais il est considéré comme très ancien. Il est même jugé « frustrant », car sa maçonnerie ne dépasse pas le faîte du toit. Après bien des péripéties autour de l’ameublement du sanctuaire, l’évêque d’Annecy consacre l’église le 23 avril 1845. Un dernier aménagement a lieu en 1976, dans l’élan du concile Vatican II. Si certains éléments comme la chaire ou les confessionnaux sont démontés, les retables et la décoration générale sont conservés, préservant l’aspect d’origine de l’église, aujourd’hui qualifiée de remarquable dans son secteur.
Le clocher pluriséculaire a certainement connu de nombreuses cloches. En 1793, il en est dépouillé alors qu’il n’en portait que deux, dont l’historique est malheureusement aujourd’hui inconnu. Ce n’est qu’en 1809 qu’il retrouve sa fonction première avec une nouvelle cloche dédiée à saint Denis, fondue l’année précédente. On peut lire sur son flanc l’inscription suivante : « Burnier, recteur. Parrain François Burnet. Marraine Marie Vuichard. Décombe, maire de Savigny. » Mais les noms du parrain et de la marraine ont été limés, puis remplacés, en creux, par ceux de Denis Fol et Etiennette Rosay. Comment expliquer cela ? Un élément de réponse se trouve dans l’acte de baptême de la cloche : elle avait en réalité deux parrains et deux marraines. Il est probable qu’un excès de colère, dû à l’omission de deux noms sur la cloche, ait conduit à cette modification. En 1837, le conseil municipal commande deux nouvelles cloches aux frères Paccard, destinées à compléter la petite cloche de 1808. Leur coût s’élève à 1 800 francs pour environ 800 kilos de bronze. Le curé Briffod, une fois de plus, mobilise toute son énergie pour réunir un tiers de la somme nécessaire. Les habitants, eux aussi, s’impliquent : ils construisent un four à chaux, dont la production permet de boucler le financement. Sur ces deux cloches, en plus des noms des autorités, parrains et marraines, figurent les inscriptions suivantes : sur la première : « À la plus grande gloire de Dieu » et sur la seconde : « Faite avec les dons réunis du Rd Briffod, curé ». À la fin du siècle, la petite cloche est fortement ébréchée et sa sonorité jugée désagréable. Elle est finalement refondue en 1922 par la fonderie Paccard, redonnant au clocher sa voix tripartite. Lors de l’électrification, sans doute dans la seconde moitié du XXe siècle, cette petite cloche n’est pas motorisée pour la volée, probablement en raison de sa trop grande proximité tonale avec la cloche médiane. Elle reste néanmoins utilisable au tintement, notamment lors des carillons festifs suivant les mariages ou les baptêmes. Elle porte, sur son flanc, des inscriptions laconiques comparables à celles de la cloche disparue de 1808 : deux parrains, deux marraines, le maire et le curé.
| N° | Nom | Fondeur | Année | Diamètre (cm) | Masse (kg) | Note |
| 1 | Andrianne Marie Gasparine | Frères Paccard | 1837 | 91,8 | ~450 |
La 3 |
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2 |
Marie Joséphine Françoise | Frères Paccard | 1837 | 81,8 | ~325 | Si 3 |
| 3 | Marie Eudoxie | Les fils de G. Paccard | 1922 | 74,3 | ~250 |
Do 4 |
Mes remerciements à :
Mme Chantal Favre-Bonvin, sacristine, pour l’ouverture du clocher et les sonneries spéciales
M. Michel Brand, ancien élu d’Archamps, pour l’organisation de ce rendez-vous.
Sources & liens :
« Monographie de la commune de Savigny », P. Fenouillet, Mémoires et documents publiés par l’Académie Savoisienne, Tome LIV.
« Gerbes de notes et documents », Mgr le chanoine Charles-Marie Rebord, 1922
1J-2867, page 44, Archives départementales de Haute-Savoie
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La Salévienne